Créé en 2015 par un père, Christian Gelis, et ses deux fils, Valentin et Émilien Gelis, Dyskit avait pour ambition de devenir un tremplin pour les artistes émergents. Mais faute d'avoir réussi à décoller, la startup cherche aujourd'hui un repreneur. Explications d'Emilien Gelis.
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"À l’origine, on a créé Dyskit comme un révélateur de musiciens et chanteurs, mais notre aspiration à terme était d’investir le marché de la nouvelle expérience musicale." Lorsque Christian, Valentin et Émilien Gelis créent Dyskit en 2015, le principe est simple : donner la possibilité aux artistes indépendants de se faire connaître en postant leurs créations musicales. Les utilisateurs du site, quant à eux, peuvent voter pour les morceaux qu’ils préfèrent. Ces votes déterminent ensuite le classement des artistes. Les votes permettent également à la plateforme de proposer des morceaux qui correspondent exactement aux préférences des utilisateurs et à tracer d’une recommandation personnalisée.
Mais très vite, la jeune pousse doit évoluer, faute de clients. Pourtant, Dyskit compte sur un business model bien rodé, qui s'appuie à la fois sur les utilisateurs et sur les artistes : d'une part l'offre freemium, qui permet une utilisation gratuite de l’application et du site, avec la possibilité d'uploader deux créations par mois et d’obtenir une interface pour les statistiques. En contrepartie, de la publicité est présente sur le site et l’application; d'autre part, l’offre premium à 4,99 euros par mois, qui permet des uploads illimités pour les artistes et l’interface complète pour les statistiques sur le site, avec une écoute hors connexion.
"On a commencé à se rendre compte qu’on devait trouver une solution alternative pour trouver des fonds parce qu’il fallait continuer à se développer. On a donc effectué un pivot BtoBtoC en proposant la solution aux partenaires dans l’événementiel, pour qu’ils utilisent la plateforme en amont dans les festivals tremplins... Les Inouis et le Ricard live l'on fait, et nous on l’avait fait à Sziget, et pour Play It Indie. Il y avait une vraie demande, et ça nous a donné une autre vision de Dyskit.... mais ça n'a pas été suffisant", explique Emilien Gelis.
40 000 euros en fonds propres
Tout au long de ces deux années, la famille Gelis injectera ainsi plus de 40 000 euros en fonds propres, pour faire vivre Dyskit. Pourtant, la jeune pousse plafonne à 1500 utilisateurs mensuels et peine à faire évoluer son modèle. À bout de souffle, Dyskit lance une campagne de crowdfunding sur KissKissBankBank en novembre 2017, notamment pour lancer son application Android. "Ça nous aurait permis de voir un peu plus loin, de répondre à de nouvelles demandes entrantes, de faire face à la concurrence", indique Emilien Gelis. Avec un objectif de 8000 euros, la jeune pousse ne récoltera finalement que 1 325 euros auprès de 33 donateurs.
Un échec qui, selon Emilien Gelis, a plus à voir avec le secteur qu'avec sa solution : la preuve, Soundcloud, son principal concurrent, connaît lui aussi de nombreux déboires, faute de modèle économique viable. En théorie, le streaming est pourtant un secteur porteur, qui séduit de plus en plus : selon le Syndicat national de l'édition phonographique, 70% des consommateurs de musique en ligne ont écouté un titre en streaming au cours du derniers mois.
Au sein du marché numérique (+1.1%), les revenus du streaming dépassent désormais ceux du téléchargement à l’acte. Les revenus issus des abonnements représentent à eux seuls les deux tiers du chiffre d’affaires du streaming en et plus d’un tiers du chiffre d’affaires du marché numérique. En tout, plus de 2 millions de Français sont aujourd’hui abonnés à un service de streaming audio.
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Mais Emilien Gelis reconnaît les erreurs qu'ils ont pu faire ces trois dernières années : "On a pas été assez visibles, on a dépensé beaucoup de temps et d’argent sur le développement de la solution mais pas assez sur la communication. On s’est contentés des réseaux classiques, mais Facebook, on le sait maintenant, n'est pas si efficace; Instagram ne marchait pas non plus, et sur Youtube on avait le problème des droits d’auteur."
Tourner la page, mais pas complètement
La difficulté tient aussi à la composition de l'équipe : si Emilien travaille à plein temps au développement de la plateforme, les quatre autres ne peuvent y dédier que leurs week-ends. Une organisation compliquée sur la durée, faute de revenus et de perspectives d'avenir. L'équipe décide donc de se réunir et prend une décision : il est temps pour eux de tourner la page. Mais pas question d'abandonner Dyskit. "Il y a vraiment quelque chose à faire, ce serait vraiment dommage qu'on ne trouve pas de repreneur" concède Emilien Gelis.
Lundi 26 février, après plusieurs semaines de réflexion, toute l'équipe rédige et envoie donc un mail général, annonçant la mise en vente de Dyskit. "Si un investisseur vient demain, on sera là au début pour faciliter la transition mais on a tous plus ou moins tourné la page. Ce n'est pas facile, c'était un projet qui nous tenait particulièrement à coeur, d’autant que c’était une expérience familiale. Humainement, ça a été génial."
À ce stade, aucun repreneur ne s'est manifesté. Les fondateurs de Dyskit se laissent un mois pour voir venir, en fonction des retours. "Tout ce qu’on sait c’est qu’on veut finir la tête haute. Il ne faut pas voir cette histoire comme un échec, il faut en tirer des leçons. Et la première d'entre elles, c'est de croire en son idée, mais aussi de savoir accepter l’échec" conclut Emilien Gelis.