Nourrir la planète, réinventer la ville et le lien social, réduire la pauvreté… Des objectifs de grande échelle auxquels contribuent pourtant de petites startups avec leurs solutions concrètes et leur vision de terrain.
«Changer le monde» : le slogan martelé lors des pitchs de jeunes startupers sert bien souvent plus à vendre un site de rencontre pour chiens ou un presse-purée connecté qu’à véritablement résoudre les enjeux de la planète. Ces derniers sont pourtant d’une ampleur incommensurable : explosion démographique, réchauffement climatique, pauvreté, développement des maladies, ou menace de pénurie énergétique. Et, surprise, les entreprises apparaissant les mieux placées pour y répondre. 53% des personnes déclarent leur faire confiance contre 42% pour les gouvernements, selon le baromètre Edelman 2016. 80% jugent d’ailleurs qu’une entreprise peut parfaitement accroître ses bénéfices tout en améliorant l’environnement économique et social. Elles sont aussi les plus plébiscitées (61%) pour «s’adapter aux évolutions du monde». Parallèlement, de plus en plus d’entrepreneurs veulent donner du sens à leur engagement et se lancent dans des projets à vocation sociale ou environnementale. Des exemples qui suscitent l’optimisme.
Nourrir la planète
D’ici 2050, la quantité de viande consommée dans le monde va quasiment doubler par rapport à 2007, selon la FAO. Une évolution totalement insoutenable : la production d’un kg de bœuf absorbe par exemple 13 500 litres d’eau. Plusieurs startups se sont donc lancées dans la «culture» de viande in vitro, à l’instar de Hampton Creek ou de Memphis Meats.
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«L’élevage industriel d’aujourd’hui n’est pas soutenable à long terme», affirme Uma Valeti, le créateur de Memphis Meats. Selon lui, la viande de culture réduit de 90% l’empreinte écologique (surface et eau utilisées, émissions de gaz à effet de serre) par rapport à l’élevage traditionnel. Un moyen aussi d’éviter la souffrance animale.
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D’autres startups espèrent fournir des protéines grâce aux insectes. Ynsect, dans le Jura, fournit déjà des farines de coléoptères pour l’alimentation des chiens ou chats et poissons d’élevage. Un marché en plein boom estimé entre 10 et 20 milliards, selon Antoine Hubert, son cofondateur. Avant peut-être, de convaincre les humains de déguster des barres de céréales et des quiches aux larves ?
Sortir l’Afrique de la pauvreté
En Afrique, moins de 30% des adultes possèdent un compte dans une banque traditionnelle, d’après le rapport Global Findex de la Banque mondiale. De l’autre côté, 57% des Africains sont équipés d’un téléphone portable. D’où le formidable développement du «mobile banking» sur le continent. Plus de la moitié des 270 offres de services financiers sur mobile (transfert, paiement, micro-crédit et micro-épargne…) dans le monde se trouvent en Afrique, rapporte Jean-Michel Huet, associé chez BearingPoint.
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Au Kenya, la plateforme de paiement mobile M-Pesa a conquis 18 millions d’utilisateurs, soit 70% de la population adulte du pays. Grâce à ce service, on peut payer sa facture d’électricité, régler ses courses au supermarché, ou emprunter de l’argent avec un taux d’intérêt réduit. Selon Safaricom, l’opérateur qui gère la plateforme, M-Pesa a permis de créer 860 000 emplois et a généré 925 millions d’euros d’activité économique. Dans le sillage de ce mastodonte, on trouve de très nombreuses fintech «made in Africa». Par exemple WeCashUp, une application de paiement mobile universelle créée par un jeune Camerounais de 25 ans, Eversend, une startup ougandaise spécialisée dans les transferts d’argent de proximité et à l’international, ou Green Root Finance, une jeune pousse de la microfinance du Malawi.
Inventer la ville du futur
Deux tiers de la population mondiale vivront en ville en 2050, contre la moitié aujourd’hui. Une explosion démographique qui se fait hélas souvent de façon anarchique. Au rythme actuel, trois milliard d’habitants vivront dans les quartiers précaires dans en 2050, met en garde Pierre-Arnaud Barthel, de l’Agence Française de Développement.
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Et c’est justement pour imaginer et développer des villes plus «intelligentes» que des milliers d’initiatives fleurissent partout dans le monde. La Banque Européenne d’Investissement (BEI) en a identifié trois piliers clés : mobilité durable, développement urbain et efficacité énergétique. A Lyon, Navya fait par exemple rouler une navette 100% électrique et autonome. Padam se positionne elle sur des minibus à la demande pour les déplacements de proximité.
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En transformant des vues aériennes en cartes 3D, la startup israélienne Pixtier veut aider les municipalités et les architectes à planifier les infrastructures à construire. Elle vient de décrocher un contrat pour participer à dessiner une nouvelle ville de 20 000 habitants au Brésil. Openergy, spécialisée dans l'analyse énergétique des bâtiment, vise à mutualiser l’énergie entre immeubles d’un même îlot. Au total, plus de 250 projets de «smart city» sont en cours de déploiement dans le monde, d’après Navigant Research.
Stocker l’énergie de demain
La consommation énergétique mondiale devrait augmenter d’un tiers d’ici 2040 d’après l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Un véritable défi lorsqu’on sait que dans le même temps, il faudrait réduire les émissions mondiales de l’ensemble de gaz à effet de serre de 50% d’ici à 2050 pour espérer atteindre l’objectif de l’Accord de Paris (rester en-dessous d’un réchauffement de 2°C). Heureusement les énergies renouvelables sont en train de remplacer peu à peu les énergies fossiles : l'AIE prévoit une augmentation des capacités de 43% d'ici 2022. Reste que ces énergies sont intermittentes, d’où l’enjeu de leur stockage.
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De nombreuses startups ont développé des technologies innovantes à cette fin. McPhy, basée à Grenoble, a mis au point un procédé pour transformer l’énergie verte en hydrogène sous forme de pastilles ou de galets solides. Elle a déjà remporté plusieurs gros contrats en France, en Allemagne ou en Chine. Sylfen, autre jeune pousse tricolore, a développé un procédé similaire où le surplus d’électricité créé localement est transformé en hydrogène, puis réinjecté en mode pile à combustible quand on en a besoin. «Une fois le système amorti, l’énergie devient quasiment gratuite», se félicite son fondateur Nicolas Bardi.
Soigner toutes les maladies
Avec le vieillissement de la population et les nouveaux modes de consommation, les maladies telles que le cancer, le diabète ou Alzheimer vont considérablement augmenter. Et ce sont souvent les startups, plus agiles que les gros laboratoires pharmaceutiques, qui sont en pointe sur les nouveau traitements. La pépite française Nanobiotix a par exemple mis au point des nanoparticules permettant de multiplier par neuf l’efficacité d’une radiothérapie sans augmenter les doses de rayons X utilisés. Cellectis, Intellia, ou Juno Therapeutics fondent elles de grands espoirs sur l’injection de cellules immunitaires modifiées génétiquement, ce qui les rend capables de détecter et détruire les tumeurs. Deux bébés ont récemment été guéris de leucémie grâce à cette méthode.
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Valbiotis, basée à La Rochelle, promet elle carrément «un monde zéro diabète» grâce à des extraits de plantes qui réduisent les risques de développer la maladie. La biotech française Abivax espère de son côté parvenir à une «guérison fonctionnelle» du VIH, c'est-à-dire réduire suffisamment la charge virale pour que celle-ci ne progresse plus. Mais dans les pays en développement, c’est encore le manque d’accès aux soins qui est responsable de 70% des années de vie perdues. Au Rwanda, Zipline livre des vaccins, anti-venins, médicaments et poches de sang par drone en moins de 30 minutes, ce qui permet de ravitailler les hôpitaux dans un pays où les infrastructures sont défaillantes.
Recréer du lien social
L’ESS (Economie Sociale et Solidaire), jusqu’ici cantonnée aux associations et réduite à des initiatives très locales, trouve aujourd’hui un second souffle grâce à Internet. Dans ce secteur, l’emploi a progressé de 24% depuis 2000, cinq fois plus rapidement que la moyenne. Troc de temps, d’objets ou d’espace, microdon ou finance solidaire : plusieurs incubateurs se sont spécialisés dans ces jeunes pousses, à l’instar d’AlterIncub, Ronalpia ou Social Factory.
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La clé de ce nouveaux mode de consommation : les circuits courts. La Ruche qui dit oui met en relation petits producteurs locaux et consommateurs. «Contrairement à la grande distribution, ce n’est pas la notion de profit qui prime, mais bien la possibilité aux petits agriculteurs de vendre leurs produits au prix qui leur permet de vivre de leur travail», témoigne Anthony Léguillon, responsable d’une de ces «ruches» à Angers. Le consommateur, lui, a l’assurance d’avoir des produits de qualité et qui n’ont pas parcourir des milliers de kilomètres avant d’arriver dans son assiette. Plus de 1000 ruches ont déjà essaimé dans les différentes villes de France. Dans la même veine, Mon Potager propose de cultiver sa propre parcelle de légumes à distance et se faire livrer par un producteur local.
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