Portée par une révolution numérique toujours plus imposante et une scène énergétique en transformation radicale, la ville de demain prend peu à peu forme. Si son importance semblait jusqu’ici minime pour les problématiques auxquelles les acteurs de ce changement cherchaient à répondre, le design s’est désormais imposé comme l’une des solutions les plus fiables pour modéliser, au mieux, ce à quoi pourrait ressembler la Smart City tant attendue.
La révolution numérique impacte depuis quelques années tous les pans de notre société, entraînant de nouveaux défis et proposant de nouvelles opportunités de développement. Une ville tout à fait différente prend alors doucement forme sous nos yeux : la Smart City, comme on aime l’appeler, développée autour de plusieurs projets de recherche axés, entre autres, sur l'efficacité énergétique, les smart grids, la mobilité durable et la domotique. Une ville dans laquelle entreprises, autorités locales et consommateurs doivent désormais faire partie intégrante de ce changement, aux côtés du monde de la recherche scientifique et des spécialistes issus de chaque secteur impliqué.
Et les changements auxquels nous faisons aujourd’hui face en sont la preuve : les réductions importantes des coûts de l'énergie solaire et éolienne rendent déjà les énergies renouvelables moins chères que les combustibles fossiles dans plusieurs régions du monde, la baisse des prix des batteries et des véhicules électriques pourrait rapidement menacer la demande mondiale de pétrole, et de nouvelles installations de stockage d’énergies vertes remettent en cause la production d’électricité historique. En somme, d’ici une dizaine d’années, nos villes ne devraient ainsi plus être celles que nous avons connues.
L’innovation par le design, la norme chez les géants de l’énergie ?
Mais comment modéliser au mieux le futur des enjeux énergétiques de nos villes, et ainsi les anticiper ? Si la réponse ne semblait il y a encore quelques années pas si évidente, la majorité des grandes entreprises du secteur de l’énergie ont désormais leurs propres équipes de designers, capables d’observer, débattre, et de déduire des projections à 5, 10, 20 ou 30 ans. C’est le cas d’EDF, qui compte à ce jour une équipe d’une dizaine de designers directement intégrés à sa R&D (près de 2000 chercheurs).
“L’idée, c’est d’utiliser les méthodes projectives et outils du design, qui permettent de se figurer les usages et les besoins qui vont arriver demain dans notre société, afin d’essayer de les anticiper et d’y répondre de la manière la plus adaptée possible, à court et à long terme”, explique Guillaume Foissac, expert Recherche et Innovation par le Design pour la R&D d’EDF et responsable du Design Lab I²R. Leur rôle : s’appuyer sur des observations et des déductions sociétales, culturelles, fonctionnelles, techniques, sensibles, et environnementales, afin de se projeter sur une vision de l’avenir qui pourrait tirer le meilleur de ces micro-signaux. “C’est un modèle de société qu’on essaie de penser et de promouvoir au travers de ces observations. Un modèle qui parait être souhaitable et simultanément bénéfique sur divers tableaux”, précise Guillaume Foissac.
Des projections qui englobent tant le côté sociétal, environnemental, technique, éthique ou encore politique des villes. Car à travers l’énergie et la multitude de ses usages c’est tout un autre modèle de société qui peut se repenser. Ainsi, si le design énergétique permet de se questionner, par exemple, sur les moyens à mettre en place pour développer la production d’énergies vertes localement, il a aussi un véritable rôle d’accessibilité des solutions pour le grand public. “Les citoyens sont en capacité aujourd’hui de produire leur énergie. Demain ils pourront aisément la partager, l’échanger, la capitaliser. Il faut donc penser ces nouveaux modes relationnels qui se bâtiront demain entre individus, villes, entreprises et associations. Notre vie va être changée, et au-delà de l’énergie ce sont tous nos usages et nos aspirations qui seront requestionnés à travers ce nouveau rôle de l’individu. ”, explique Guillaume Foissac. En somme, à travers la question du design énergétique c’est la question plus générale de l’autonomie qui se posera différemment demain (autonomie alimentaire, en eau, en gestion des déchets, en protection des données…).
Après cette phase de projection suit celle du prototypage et de la mise en situation car la vertu de cette démarche est de rendre possible ces hypothèses. Pour ce faire, les designers s’appuient sur les modes de résolution et de représentation propres au design, et assez équivoques pour incarner et mettre au point les innovations de demain. Au total, les designers du pôle R&D d’EDF travaillent à ce jour sur une trentaine de projets, pour la bonne majorité à moyen terme avec par exemple des “objets connectés qui permettent de rendre intelligents les équipements qui ne le sont pas aujourd’hui”, mais également à plus long terme, avec son projet « 2038 », sur des projections fictionnelles permettant d’imaginer la place de l’énergie dans le futur.
Une douzaine d’hypothèses sont ainsi aujourd’hui travaillées, visant à décrire des sociétés potentielles qui se seraient organisées différemment au regard des questions énergétiques. “Certains s’opposent, d’autres sont complémentaires, et le tout génère des possibles illustrés et argumentés qui permet de se projeter dans ce que seraient ces villes. C’est un peu comme de la science-fiction, mais ça permet d’anticiper assez précisément le rôle des énergéticiens face aux mutations des sociétés et de s’engager dans ces mutations dès à présent ”, indique Guillaume Foissac.
Un petit pas aujourd’hui, un grand pas pour demain ?
Grâce à sa capacité d'envisager de futurs biens et services, le design semble ainsi avoir le potentiel de faire évoluer les modèles de production et de consommation. Et si les initiatives d’innovation par le design prennent souvent du temps à se concrétiser (on pense notamment aux voitures électriques, exposées dans les salons depuis des décennies et qui n’insufflent pour le moment qu’un changement encore timoré dans le secteur automobile), le design semble aujourd’hui être incontournable pour se préparer au mieux à une ville de demain plus durable. “Ces macro-projections pourraient avoir un impact politique, environnemental et sociétal qui pourrait vraiment faire bouger les lignes dans les prochaines années… et on l’espère sincèrement”, conclut Guillaume Foissac.
Maddyness, partenaire média du groupe EDF.