Les entreprises qui seront capables d’exploiter au mieux les infrastructures numériques seront celles qui retireront le plus d’avantages de l’économie des données d’aujourd’hui. Or, actuellement, aucun des géants du numérique (Google, Apple, Facebook, Microsoft) n’est européen.
C’est une des raisons pour lesquelles le marché unique numérique fait partie des grandes priorités de la Commission européenne. C’est aussi pourquoi l’Union européenne veut se doter, dans les meilleurs délais, d’infrastructures numériques de pointe, et notamment d’une infrastructure européenne de supercalcul d’envergure mondiale. J’ai bon espoir de voir l’UE accomplir de réels progrès sous la présidence bulgare, qui a placé le numérique en tête de sa liste de priorités pour les six prochains mois.
Aujourd’hui déjà, les supercalculateurs permettent aux Européens de profiter d’innovations dans de nombreux domaines : la santé, l’ingénierie, les énergies renouvelables, la sécurité routière, la cybersécurité...
Les applications sont innombrables. À l'aide d'une infrastructure de supercalcul, des médecins slovènes ont pu accélérer de façon spectaculaire les diagnostics génétiques, le délai nécessaire passant de plus d’un mois à quelques jours à peine, voire un seul jour.
On utilise aussi les supercalculateurs pour atteindre une résolution toujours plus élevée dans la simulation du changement climatique. Ces simulations servent à lancer des préalertes de tempête et à élaborer des stratégies d’adaptation au changement climatique.
Elles permettent également d’améliorer nos connaissances des processus géophysiques et de la structure intérieure de la Terre. Ainsi, en Italie, une équipe internationale de chercheurs a mis au point, à partir de l’imagerie sismique, un modèle de la partie de la lithosphère se trouvant au-dessous du territoire italien, ce qui permet de mieux comprendre les séismes survenant dans la région. Je suis convaincue que cette technologie peut nous aider à sauver des centaines de vies.
Les constructeurs automobiles travaillent à présent sur les véhicules autonomes, qui représentent l’avenir de la mobilité intelligente. Compte tenu de l'énorme quantité de données que ces véhicules vont échanger, évaluée à plus de quatre téraoctets (environ le volume que peuvent contenir 1 000 DVD) pour environ une heure et demie de conduite, ce secteur va devenir un gigantesque utilisateur de supercalculateurs.
Il ne s’agit là que de quelques exemples illustrant le potentiel croissant des supercalculateurs. Face à cette croissance exponentielle des données, le calcul haute performance est déjà près de franchir une nouvelle frontière en passant de l’échelle peta à l’échelle exa, soit une rapidité 10 fois supérieure à celle des machines les plus rapides actuellement en service et plus de 100 fois supérieure à celle des machines les plus rapides disponibles dans l’UE.
Cependant, tous les pays de l’UE ne sont pas en mesure de construire et d’entretenir une infrastructure de ce type, ou de mettre au point des technologies à l'échelle exa. En outre, au niveau mondial, l’Europe est même en train de perdre sa place dans le peloton de tête pour les capacités des infrastructures de calcul à haute performance, la Chine, les États-Unis et le Japon l’ayant devancée.
Sans installations de calcul à haute performance d’envergure mondiale, l’Europe ne pourra pas réaliser son ambition de devenir une économie des données dynamique. Elle ne peut pas non plus prendre le risque de voir les données produites par la recherche et l’industrie européenne être traitées ailleurs en raison du manque de capacités de calcul à haute performance.
C’est précisément là que l’Union européenne apporte une valeur ajoutée et c’est la raison pour laquelle la Commission européenne et les États membres se sont réunis le 23 mars 2017 à Rome pour présenter le projet EuroHPC. Ce jour-là, sept États membres (la France, l'Allemagne, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Portugal et l'Espagne) ont signé une déclaration en faveur de la prochaine génération d’infrastructure de calcul et de données. Depuis lors, ils ont été rejoints par la Belgique, la Slovénie, la Bulgarie, la Suisse, la Grèce et la Croatie.
Conformément à la proposition de la Commission, la nouvelle structure juridique et financière, l’entreprise commune EuroHPC, va acquérir, mettre en place et déployer dans toute l’Europe des supercalculateurs d’envergure mondiale. Pour le moment, la contribution de l’UE sera de l’ordre de 486 millions d’euros au titre de l’actuel budget européen, complétée par un montant similaire provenant des États membres et des pays associés. Au total, environ 1 milliard d’euros de fonds publics seraient investis d’ici à 2020, et les membres privés de l’initiative apporteraient également des contributions en nature. Les infrastructures européennes de supercalcul constituent une ressource stratégique pour l’avenir de l’industrie européenne, à l’heure où cette dernière se tourne de plus en plus vers le numérique. C’est aussi, potentiellement, un immense vivier d’emplois. De nombreuses PME ont recours à la modélisation et à la simulation pour exercer leur activité. Pour bon nombre d’entre elles, sinon la totalité, les coûts liés à l’acquisition et à la maintenance de ces technologies sont prohibitifs.
Il appartient donc à l’UE de soutenir leur créativité, leurs activités d’innovation et leur compétitivité.