80% des personnes qui vont aux urgences n'ont pas besoin d'y aller. Avec un diagnostique à distance, le parcours santé serait simplifié et les procédures plus efficaces, explique Olivier Sautron, le président d’Oscadi. Et c’est bien ce que son produit, Oscult, compte faire.
Olivier Sautron est installé à Bras-Panon, à l’est de l'Île de la Réunion. C’est de cette petite commune à l’autre bout du monde qu’il développe et produit son appareil en cours de certification en Europe, agréé par Apple aux États-Unis et en essai clinique en Malaisie.
La distance, c’est le fort d’Oscult, un appareil et logiciel d’échographie miniaturisé sur iPad. L’appareil prend la forme d'une coque pour tablette à laquelle est reliée une sonde. Il est deux fois moins cher que les outils utilisés pour réaliser des échographies et doté de la qualité d'image, des fonctionnalités et des performances de l'iPad. Bienvenue dans le futur de la télémédecine.
De la géolocalisation à la médecine
Il y a quatre ans, Olivier Sautron ne connaissait rien à la médecine. Son truc c’était les téléphones. En 2001, bien avant l’iPhone, Olivier crée une startup qui fait se rencontrer GPS et GSM. Après une startup dans le SaaS, il passe aux accessoires d’iPhone. Il développe notamment un cardiofréquencemètre pour iPhone qui lui permet de travailler directement avec Apple.
En 2010, suite à une mésentente entre associés, il crée une nouvelle startup avec Thierry Payet. Grâce aux prouesses techniques de l’iPad, il peut enfin réaliser leur rêve d’étudiant : développer une caméra astronomique pour regarder les planètes. Faute de financement, ils changent leur fusil d’épaule et mettent leur technologie d’imagerie au service de la santé début 2013.
« Je cherchais quels appareils attacher à un smartphone et, dans la médicine, l’échographie est le seul appareil que l'on peut miniaturiser. Impossible de miniaturiser un IRM, impossible de miniaturiser un scanner »
Olivier Sautron
Cela a pris une dimension bien plus importante que ce à quoi il s’attendait, explique-t-il. « Moi ce qui m'intéressait c'était le défi technologique. Aujourd'hui, on en est à changer la méthode de diagnostique médical. On s'est rendu compte que l'échographie va vraisemblablement à terme remplacer le stéthoscope. »
Le futur de la médecine
Quand ce bon vieux stéthoscope teste deux organes internes – le poumon et le cœur – l’échographie, elle, peut en tester 30. En suivant le protocole UCI 30 de University of California (UC), on peut ainsi découvrir des pathologies de la tête aux pieds. L'échographie, complète, très simple et ne nécessitant pratiquement aucune formation, va devenir l'outil indispensable pour les premiers diagnostiques, estime Olivier Sautron.
L’interface d’Oscult est tellement intuitive qu’avec elle, le délai d'examen passe de 30 minutes en moyenne sur un appareil classique à 10 minutes. Mieux, elle ne nécessite qu’une journée de formation. En devenant portable et facile d’utilisation, l’échographie devient alors parfaitement adaptée à la médecine d'urgence. On peut l’imaginer sur les plateformes pétrolières ou dans les avions de ligne au même titre qu’un défibrillateur. N’importe quelle personne formée pourrait alors manipuler l’appareil et laisser un ou une spécialiste médicale faire l’analyse et le diagnostique à distance.
Dans une dizaine d’années, Olivier en est convaincu, l’échographie rentrera même dans les bureaux et les maisons, et permettra d’assurer un meilleur suivi médical et de désengorger les urgences. Aujourd’hui, l’appareil d’Oscadi coûte 15 900 euros. Dans le futur, Oscadi veut se concentrer sur le service – avec un modèle d'abonnement d’une centaine d'euros par mois - et laisser le hardware aux autres. « On a créé un appareil d'échographie parce qu’il n'existait pas d'appareil d'échographie simple, mais ce qui nous intéresse, c'est d'avoir plateforme mainstream qui sera utilisée par General Electrics, Philips et les autres. »
L’heure de vérité
L’entreprise semble bien partie. Grâce à sa présence en finale de TechCrunch Disrupt Europe en 2014, Oscult a été agréé par Apple. « Aujourd’hui, quand on dit qu'on est finaliste TechCrunch, cela nous ouvre toutes les portes et facilite les négociations » explique Olivier Sautron. Une belle opération pour cette startup qui n’a jamais participé à d’autres concours. « Parce qu’on est à l'Île de la Réunion et qu’on est inexistant sur la carte, c'était le seul moyen d'avoir un peu de visibilité et de montrer à l'écosystème startup que ce qu'on avait créé était d'un niveau international » justifie le fondateur. Depuis l’entreprise se concentre sur son développement.
Oscadi n’a pas encore les certifications internationales pour un usage humain mais, il y a déjà un an, la startup a vendu ses premiers prototypes à des cliniques vétérinaires réunionnaises, et un hôpital malaysien, avec qui travaille son partenaire américain Resuscitation Group, s’occupe du test clinique.
Dès que la certification CE médicale sera obtenue, Oscadi pourra vendre son produit aux urgentistes, qui ont besoin de faire des diagnostics dans les ambulances, et aux sage-femmes qui se déplacent beaucoup à domicile, surtout aux États-Unis. Puis ce sera le tour des médecins généralistes, des professionnels et professionnelles de la santé et progressivement de tous et toutes.
De La Réunion au Monde
Jusqu’à présente, l’entreprise était volontairement isolée. « On est ni dans un technopole, ni dans un incubateur. On voulait aller vite et être autonome » explique Olivier Sautron. C’est à distance que l’équipe – qui compte désormais 7 personnes et 7 consultants et consultants – a vendu, formé et déployé sa solution.
Être à La Réunion a sur de nombreux points était un avantage. Le Crédit Impôt Recherche y est de 50%, contre 30% dans l’Hexagone, et le niveau de formation y est le même. Mais l’entreprise est si gourmande en talent qu’elle va bientôt devoir faire venir des ingénieurs et ingénieures de l’Hexagone.
En revanche, la startup pâtit de la réputation de la Réunion. « Quand on dit Outre-Mer, les gens pensent à la plage et aux cocotiers plus qu'à une entreprise agréé par Apple pour faire du matériel médical » constate Olivier Sautron. Pour palier ces images négatives et gagner en visibilité, l’entreprise sera désormais basée entre la Réunion et Station F à Paris, au sein du programme Outre-Mer network. L’objectif : rassurer les fonds d’investissement et obtenir le financement pour le développement commercial de la société.