Votre avion atterrit dans un pays exotique, votre premier réflexe ? Vérifier que vous avez désactivé le roaming. Quand chaque mégaoctet coûte 13,31 euros (prix constaté en Indonésie) et que vous n’avez aucun moyen de contrôler le nombre d’octet consommé par connexion, vous arrêtez tout simplement d’utiliser internet.
Surfer sur le web en Afrique du Sud, c’est un peu comme être en roaming chez soi. Les Sud-Africains et Sud-Africaines ont beau disposer d’appareils pour se connecter et d’une excellente couverture 3G, il leur est financièrement impossible de se rendre sur internet. Une vidéo Khan Academy de 8 minutes y coûte autour de 7$ US, une mise à jour de l’OS Android 18$ et un film Netflix 55$, explique Alan Knott-Craig, fondateur de Project Isizwe, lors de son discours à la conférence NxSE à la Réunion en octobre dernier. Les habitants et habitantes ont bien souvent tout simplement arrêté de se connecter.
Dans ce pays où le revenu moyen par foyer est de 210 dollars par mois, « internet ne doit pas être moins cher, il doit être gratuit » estime Alan Knott-Craig Jr. En 2013, il a donc fondé Project Isizwe, une organisation à but non lucrative qui souhaite déploie gratuitement internet en Afrique.
Internet, un droit fondamental
Internet n’est pas un luxe, c’est un droit fondamental, estime Duduzile Mkhwanazi, la CEO de Isizwe, qui se « débrouille en français » suite à un M2 à Montpellier. Après des études et quatre années dans la politique, la jeune Zulu a récemment rejoint l’ONG en tant que CEO.
L’idée de nommer une personne venant du monde politique à la tête d’une organisation tech de 20 personnes peut sembler saugrenue et pourtant. Le sujet est éminemment politique.
« Isizwe permet de combler la fracture numérique et donne accès à internet, mais aussi accès à l’information, à l’empowerment, au reste du monde » explique-t-elle. Une étude de la Banque Mondiale estime qu’une augmentation du taux de pénétration internet de dix points conduit à une hausse du PIB d’environ 1,38% dans les pays en développement. Toujours d’après la Banque Mondiale, le passage de 35% de pénétration internet dans les pays en développement à l’heure actuelle à 75% permettrait d’ajouter plus de 2 trillions de dollars à leur PIB et de créer plus 140 millions d’emploi.
« Je ne me suis jamais imaginée travailler dans l’industrie tech, en revanche je me suis toujours imaginée faire partie de quelque chose de grand, quelque chose qui améliorerait la vie d’un grand nombre » explique-t-elle. « C'est une chance en fait, une grande chance » insiste-t-elle en français.
Aujourd’hui, Duduzile ne travaille plus pour les municipalités mais avec, puisque ce sont elles qui financent dans la majorité les projets.
Travailler avec des personnes politiques
« Le gouvernement n’a pas les capacités, que ce soit en terme d’infrastructure, de ressources, de finance, ou d’effectif pour [trouver une solution au problème d’internet], explique Duduzile Mkhwanazi. Notre rôle est de travailler avec l’Etat et de l’aider à déployer le wifi et offrir un accès à internet. Nous aidons notre pays. »
« Le problème c’était de trouver un politicien qui n’était pas corrompu et qui croyait en notre rêve » se rappelle Alan Knott-Craig sur la scène de NxSE. Ce politicien, ce sera Kgosientso Ramokgopa, alors maire de Tshwane, l’ancienne Pretoria, une ville de près de 3 millions d’habitants et habitantes. Le maire accepte début 2013 de fournir les subventions nécessaires pour financer dans sa totalité la connexion de la ville à internet.
Depuis le lancement de l’opération fin 2013, Isizwe a mis en place 1 050 zones wifi publiques, autour des écoles, dans les bibliothèques ou encore dans des parcs, ce qui permet désormais à 25% de la population d’avoir une connexion internet gratuite et rapide à distance de marche. Chaque mois 300 000 personnes les utilisent.
Isizwe gère une dizaine d’autres projets, de moindre ampleur, dans le reste du pays, principalement autour d’universités ou d’écoles et grâce au soutien des organisations territoriales.
Financer internet
Laisser les entités gouvernementales prendre en charge le coût n’est pas gérable sur le long-terme. Les équipes d’Isizwe testent donc de nouvelles solutions come la publicité sur la page d’accueil ou le sponsoring par des entreprises dans le cadre de leur programme de RSE.
L’option qui lève le plus de question est le financement par les entreprises de la tech. Project Isizwe s’est associé avec le programme Internet.org de Facebook pour offrir un accès à internet à des communautés à faible revenu dans la région rurale de Limpopo. Grâce à ce programme lancé fin 2014, plus de 11 000 personnes ont pu se connecter pour la première fois à internet mais quid de la neutralité du web ?
Grâce à cette combinaison de financement, Project Isizwe a pu connecter plus de 2,5 millions de Sud-Africains et Africaines. L’ONG compte bien aller plus loin et connecter le reste du pays et pourquoi pas du continent !