L'acteur dont la carrière a décollé avec la série Grey's Anatomy est aujourd'hui un manager accompli, à la tête de sa propre écurie autombile, Dempsey-Proton Racing. Comment se bâtit le succès ? Quelle est la recette magique pour constituer une équipe soudée ? L'équipe de Swenson Magazine a rencontré Patrick Dempsey.
Lorsqu’on évoque le nom de Patrick Dempsey, notre imaginaire se laisse enrober par la célèbre blouse blanche qui a rôdé durant près de 11 ans dans les couloirs du Seattle Grace Hospital. À 51 ans, l’acteur américain a depuis envahi le grand écran. De son apparition dans Transformers 3 en 2011 à son rôle dans Bridget Jones’s Baby, sorti en 2016, avec Renée Zellweger et Colin Firth, Patrick Dempsey a investi avec brio son statut d’acteur de cinéma. En parallèle, sa passion pour les sports automobiles et sa fascination pour Porsche ont fait de lui un pilote de course chevronné, et désormais patron de l’écurie Dempsey-Proton Racing aux côtés de son partenaire Joe Foster.
Heureux père de famille, acteur à succès, pilote de course émérite et manager à l’écoute de son équipe, nous sommes partis à la rencontre de Patrick Dempsey lors de l’édition 2017 des 24 Heures du Mans. Outre les 40° excessifs pour un mois de juin, nous n’avions qu’une seule chose en tête : passer sans encombre le portique de sécurité du paddock afin d’évoquer avec lui l’immense investissement et la performance d’un homme au service d’une équipe. "Ce qui m’anime, c’est que je suis à la recherche d’expériences plus riches, plus profondes." En quête d’adrénaline, avec l’ambition des nouveaux défis, Patrick Dempsey s’est confié sur l’équilibre nécessaire d’une vie à 100km/h, les compromis inévitables à toute réussite ainsi que son obsession à travailler dur afin d’atteindre ses objectifs.
Du Docteur Derek Shepherd, personnage iconique de la série télé Grey’s Anatomy à votre récent rôle dans Bridget Jones 3, comment avez-vous vécu la transition vers le cinéma ?
Le cinéma est un processus différent de celui de la télévision, parce qu’il y a un début évident, un milieu et une fin. A la télévision, il s’agit davantage d’endurance. Tu te dois de faire attention à trouver ton propre rythme parce qu’il n’y a pas de fin en vue. La télévision te force vraiment, tout comme la course automobile, à être dans le moment présent. C’est une façon encore plus forte d’aborder la vie. Peu importe le sport ou la profession, le plus gros challenge est celui d’arriver à maintenir une notion de présence dans l’instant. Pour moi, les sports mécaniques, et le fait de travailler avec Porsche, de côtoyer leur philosophie et leur culture au quotidien, me rappelle qu’il faut vivre dans l’instant présent. J’expérimente ça dans les sports automobiles et je tente de le traduire à Hollywood, que ce soit au cinéma ou à la télévision.
Vous êtes non seulement un acteur à succès mais également un pilote dévoué à son sport. En quoi la comédie et la course ont plus de choses en commun que ce que l’on pourrait croire ?
Dans les sports mécaniques, tu te dois d’être non seulement dans l’instant présent mais également conscient des choses qui t’entourent, de la situation. Tu te dois de faire attention à ce qu’il y a devant toi, à ce qu’il y a derrière ou à côté. Je crois que c’est réellement le plus gros défi. Tu ne peux pas te permettre d’avoir un bruit de fond dans la tête parce que c’est capable de te distraire et ça t’empêche d’être dans le moment présent. Il y a quelque chose qui est aussi lié à la respiration. Cela devient presque une expérience religieuse, une expérience émotionnelle parce que tu es intimement connecté à ta propre respiration. Je crois qu’on retrouve une certaine qualité de vie à vivre ainsi et ça devient finalement une addiction. C’est un sentiment plus léger qui te met au défi sans cesse. La course automobile te fait prendre beaucoup de risques et je crois, après tout, que c’est ce que recherchent les gens. Tu tends à sacrifier énormément de choses pour retrouver ce sentiment-là.
Les voitures, et particulièrement les Porsche, sont votre passion numéro une. Comment arrivez-vous à concilier votre carrière d’acteur et votre passion pour la course automobile ?
Ce qui est vraiment fascinant, c’est d’avoir su se fixer des objectifs et arriver à les atteindre. On a décroché la victoire lors des 6 Heures de Fuji en 2015, en catégorie LMGTE Am, dans le cadre du Championnat du monde d'endurance (WEC). Notre réel objectif était les 24 Heures du Mans et on a fini second. Et de manière générale, on se débrouille pas mal en FIA WEC. Pour la saison actuelle, on s’est concentrés sur les 24 Heures du Mans, on veut faire une saison complète. En ayant de tels objectifs, je savais que ça voulait dire de gros sacrifices envers les autres domaines de ma vie et un investissement à 100%.
" Si on veut réussir, on doit accorder une attention particulière à ce que l’on fait
et être concentré en permanence sur son objectif final "
Le fait de travailler avec Porsche, aux côtés de Patrick Long, Marco Seyfried et toute l’équipe, me permet d’avoir une vision très claire de comment atteindre ces objectifs. Ce que j’ai appris de cette équipe, c’est que je veux absolument, aujourd’hui, atteindre les objectifs professionnels que je me fixe. Personnellement, je n’ai pas encore atteint la qualité de l’expérience que je recherche dans ma carrière. Cela demande beaucoup de discipline. Il faut être capable de ne pas s’engager dans trop d’activités en même temps. Il y a forcément quelque chose qui doit être sacrifié afin de rester concentré. À la télévision, on t’apprend à travailler avec un certain délai en tête, tu n’as pas le temps de prendre du recul, de te poser de questions et ainsi trouver des réponses. En revanche, au cinéma ou dans les séries dont le nombre d ‘épisodes est limité, tu as l’opportunité de t’asseoir et te poser les bonnes questions. En ce sens, cela devient une expérience plus riche et plus profonde. C’est ce que je recherche et ce que j’ai appris grâce à la course. Cela s’applique à d’autres domaines de ma vie aujourd’hui, la façon dont j’élève mes 3 enfants notamment et comment j’entretiens nos relations. J’ai pu acquérir cette réflexion grâce à la course, à mon expérience avec Porsche et leur philosophie.
2016 a été une année charnière pour vous. Vous vous êtes notamment focalisé sur votre famille. A quel point est-ce important aujourd’hui de trouver un réel équilibre entre votre carrière d’acteur et une vie de famille heureuse ?
Je crois qu’il s’agit de faire des choix à temps. Tout est une question de sacrifice, que ce soit avec ses propres enfants ou avec sa carrière. On doit être capable de faire des choix. La course a beaucoup de conséquences sur les familles des pilotes qui sont sans arrêt sur la route. C’est le genre de défi qu’on rencontre. On a tous besoin de temps avec sa famille pour élever ses enfants, pour stabiliser puis développer les relations avec les siens. Mais il y a toujours une partie qui va être sacrifiée, que ce soit pour sa carrière ou ses enfants. C’est très compliqué de tout faire. On doit s’instaurer une grande discipline au quotidien. C’est aussi le genre de défi auquel je fais face actuellement. Comment arriver à trouver un équilibre à tout ça ? Je crois que ce que j’ai appris de la course, et notamment de la communauté autour des sports automobiles, c’est ce sens de la discipline et de la concentration.
Vous avez récemment endossé le rôle de manager de l’écurie Dempsey-Proton Racing. Quel effet cela fait-il de travailler sous un angle nouveau, particulièrement au Mans cette année ?
C’est absolument génial et incroyablement satisfaisant d’avoir pu rester éveillé durant les 24 heures, d’avoir pu être présent tout au long de la course. En général, en tant que pilote, tu entres dans la voiture, tu roules durant des heures, tu te reposes, tu vis la course mais tu as besoin de récupérer, de te calmer et de trouver ton rythme pour arriver au bout. Pour cette saison, je n’avais qu’un objectif, celui de donner l’occasion aux pilotes d’apprendre afin de grimper les échelons au sein même de Porsche. C’était fascinant de voir ces jeunes pilotes incroyablement talentueux concourir pour la première fois au Mans. Le Mans est une course fascinante, tant par sa durée, son histoire, son atmosphère si particulière que son niveau de compétition. C’était génial de pouvoir être là-bas pour eux, de les regarder faire, d’être témoin aussi de leur professionnalisme et de leur façon d’affronter les situations stressantes. J’ai été très étonné de voir à quel point les pilotes étaient matures et professionnels. Ils m’ont réellement inspiré. Qu’est-ce que je pouvais faire pour les soutenir ? Qu’est-ce que je pouvais faire pour aider l’équipe dans leur effort afin d’obtenir les meilleurs résultats ? Je crois qu’on revient à l’idée même d’être dans le moment. Évidemment, on a rencontré quelques problèmes, mais, de manière générale, c’était génial ! C’est une course très longue, c’est donc important de ne jamais abandonner. Les pilotes ont réussi à revenir en restant focalisés sur la course. C’est ce que j’ai beaucoup aimé. Être témoin de la course dans son intégralité, ainsi qu’être impliqué avec ma propre équipe, sur un plan personnel, a été quelque chose d’enrichissant pour moi. Et puis, le sens de l’équipe, plus globalement, prend tout son sens chez Porsche, c’est ce qui nous anime tous.
En tant que manager, quelles sont pour vous les clés qui vous permettent de construire une équipe et de motiver les membres de cette équipe ?
J’aime les soutenir. C’est toujours agréable d’être là, de faire un pas vers eux, d’être à leur écoute, sensible à leur réaction. Je crois que le fait d’avoir des enfants m’aide beaucoup dans la relation que j’entretiens avec les pilotes. En tant que pilote, quand tu es sur le circuit, tu ne dois pas être distrait par quoi que ce soit, donc j’essaie d’être présent mais de les laisser vivre cette expérience à leur manière. C’est une leçon que j’ai apprise grâce à mon fils. C’est comme ça qu’on devrait appréhender la vie, je crois.
" Tout le monde a sa manière bien personnelle
d’apprendre et d’expérimenter des choses "
Avec Porsche, j’essaie de les encourager du mieux possible. Quelques fois, tu es tellement isolé, tellement distant, tellement concentré dans la course que c’est compliqué. Les pilotes descendent de leur voiture, ils ont fait un mauvais résultat, et tu dois aller vers eux. « Tu as fait du très bon boulot, regarde le temps que tu as fait, regarde où tu en es aujourd’hui au niveau du classement général pour le reste du championnat. » C’est comme ça que j’essaie de les soutenir.
Selon vous, quelles seraient les points communs entre conduire une voiture et mener un business ?
Dans les deux cas, il y a une équipe derrière. Cela dépend du management mais on tend à donner des moyens et du pouvoir aux gens pour leur permettre de s’impliquer dans la mission, quelle qu’elle soit. Voilà notre but, voilà ce que l’on tente d’accomplir.
" Embaucher les bonnes personnes,
leur permettre de travailler comme ils le souhaitent,
s’investir, s’approprier le projet
et être passionné "
Mon expérience auprès de Porsche m’a permis d’acquérir cette notion d’équipe. Il y a comme un sentiment de "Dans cette histoire, nous sommes tous ensemble". Il y’a un amour inconditionnel chez Porsche, et il y a un seul but commun : Gagner. Non pas à tous prix, mais de la bonne manière, il y a une approche méthodique à adopter. Il y a une méthodologie: s’entourer de personnes qui croient en l’idée et leur donner assez de pouvoir pour qu’ils travaillent du mieux possible. Lorsqu’ils perdent de vue la direction, il faut les ramener sur le droit chemin.
Finalement, est-ce que la passion est la clé de tout ?
C’est ce que je crois, oui. Il y a un dicton qui dit: "Suivez votre félicité". Je crois que tu travailles dur seulement lorsque tu es intimement convaincu d’être sur la bonne voie, quand il y a un désir de faire. C’est quelque chose qu’il faut savoir évaluer. Quelle est la qualité de l’expérience de la vie ? Ces dernières années, j’ai essayé d’évaluer ma carrière en tant qu’acteur et pilote. Que ce soit en tant que pilote ou acteur, on a besoin de temps pour prendre du recul, réévaluer ses ambitions et voir ce que va être le prochain truc passionnant qui va nous tomber dessus. Et surtout, il ne faut pas avoir peur de ça, c’est très important.
Et quel est le "prochain truc passionnant" pour vous ?
Je travaille actuellement sur un projet de film qui a débuté en Août dernier. Pour pouvoir incarner ce personnage, il faut beaucoup d’entrainement. Donc je vais appliquer les choses que j’ai apprises grâce à la course, au monde de la comédie et voir s’il y a des résultats. Avec un peu de chance, je verrai les bénéfices d’une telle expérience. Le film est basé sur le roman intitulé La Vérité sur l’affaire Harry Quebert, un roman policier de Joël Dicker, adapté au cinéma par l’incroyable réalisateur Jean-Jacques Annaud. J’ai cherché à retrouver la profondeur de l’expérience et la qualité de l’expérience que je connais dans la course, devant la caméra. C’est ce que je recherche et c’est là que repose ma passion aujourd’hui.
" Ce qui m’anime, c’est que je suis à la recherche d’expériences
plus riches, plus profondes "
Concourir pour un fabricant comme Porsche est une chance. Porsche est capable de réunir des gens. Cependant, c’est intéressant de voir comment, au contraire, Hollywood, amène un sentiment d’insécurité. Ce sont les gens qui valident ton succès, ton expérience. Le succès est hors de toi-même finalement. Comment quantifier le succès ? C’est le plus gros défi. Au contraire, dans la course, je sais où je me positionne parce qu’il y a un temps à l’arrivée. Tu sais ce que l’on attend de toi. Dans les sports automobiles, tu es capable de quantifier ton propre succès.
Au fil des années, vous êtes devenu un membre important de chez Porsche. Comment décririez-vous cet esprit de famille qui règne au sein de l’équipe ?
Ce sont des gens qui s’intéressent vraiment à toi. Il y a une certaine compréhension, une force que je ne retrouve nulle part, en dehors de ma famille. C’est un sentiment particulier d’être invité à faire partie de cette famille là, de prendre part à l’histoire de Porsche et à l’histoire des sports mécaniques. Ce sentiment d’appartenir à quelque chose de spécial est partagé par tous les membres de l’équipe. Tout le monde veut amener le meilleur de soi-même tous les jours. J’aime beaucoup la communauté réunie autour de la course automobile, j’ai énormément de respect pour le pilotes qui, tous les jours, font de la course leur profession et font des sacrifices pour ça. Je suis très reconnaissant de faire partie de ce monde, et avec un peu de chance, de contribuer à ma manière et d’apporter de la valeur à tout ça. Porsche a une approche très inclusive. La communauté ne cesse de grandir, les gens viennent souvent me voir pour évoquer leur expérience avec Porsche, et me parler de leur passion. Il n’y a aucune prétention, juste un réel amour et une ouverture d’esprit.