Alors que la startup française Afrostream cherchait un repreneur pour faire face à des coûts fixes colossaux et se donner une chance de maintenir son service, elle a finalement décidé de fermer ses portes fin septembre. Son fondateur, Tonjé Bakang, a raconté sur Medium les coulisses de l'ascension et de la chute de sa pépite.
"Le service ferme définitivement en France, Royaume-Uni Belgique, Luxembourg, Suisse et dans 24 pays africains dont le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, le Congo, le Gabon, la Guinée-Bissau, le Sénégal ou encore le Togo." C'est par cette phrase que Tonjé Bakang, CEO d'Afrostream, a commencé son billet Medium et mis un point final, lundi 25 septembre, à l'aventure Afrostream. "Certains spéculent déjà sur les raisons qui nous ont amenés à cette fin prématurée", anticipe le fondateur, qui avance plusieurs explications à la chute de cette pépite française.
La concurrence du gratuit et la pression des poids lourds
"Lancer un media digital nécessitant l’acquisition légale de droits de films et séries auprès des grands studios hollywoodiens, des chaines américaines et de plus de 100 producteurs africains semblait être une mission impossible quand on démarre seul un projet", rappelle Tonjé Bakang. Or "beaucoup d’internautes ne comprennent pas que pour diffuser des films et séries sur un service de vidéo à la demande il faut qu’Afrostream paye des droits. Souvent nos fans considèrent que le contenu est gratuit puisque qu’il se trouve également sur des sites de streaming illégaux qui monétisent leur piratage grâce à la publicité".
L'entrepreneur détaille le budget qu'il devait allouer annuellement pour non seulement acquérir les droits d'une série mais aussi la sous-titrer en français et en faire la promotion. Bilan : "40 000 euros pour un an d’exploitation d’une série indépendante de 2 saisons". A l'échelle d'un site comme Afrostream, diffuser une trentaine de séries revient donc à "1,2 million d'euros pour un an d’exploitation". Sans compter la centaine de films à mettre à disposition du public, dont l'exploitation requiert un budget annuel de 1,4 million d'euros. D'autant que le public devient de plus en plus exigeant. "Un service comme Netflix a près de 3000 films et séries mais malgré ce chiffre, de nombreux abonnés trouvent que le choix de contenu est limité. Alors imaginez leur réaction pour un service avec uniquement 30 séries et 100 films…", ironise Tonjé Bakang.
Le manque de financements
Après avoir réussi à lever 4 millions de dollars après son passage par le très sélectif Y Combinator, Afrostream a dû se rendre à l'évidence : les investisseurs restaient malgré tout frileux face au projet. "Alors que je pensais que la croissance d’Afrostream serait suffisante pour les investisseurs, la plupart d’entre eux nous reprochaient de n’être pas arrivé à la rentabilité avant de les solliciter pour une nouvelle levée de fonds", souligne Tonjé Bakang. Deux investisseurs se montrent tout de même intéressés... avant de faire marche arrière.
La manne financière se tarit en même temps que les besoins grandissent. "Nous avons constaté que les abonnés les plus fidèles visionnaient la plupart de titres qui les intéressaient en trois mois. Pour les conserver il fallait en permanence mettre en avant notre catalogue et acheter des nouveaux contenus." Les coûts fixes grimpent de manière exponentielle, tandis que les recettes liées aux abonnements croissent... mais pas suffisamment pour faire face.
La startup entame alors des discussions avec "plus de 10 repreneurs potentiels", préférant s'adosser à un grand groupe que de fermer. Les discussions, entamées au printemps 2017, se font dans l'urgence : la trésorerie d'Afrostream ne lui permettra pas de survivre à l'été. "Avec l’expiration de certains droits de diffusion et sans marketing, le montant des revenus liés aux abonnements mensuels chute rapidement", raconte Tonjé Bakang. Fin août, les discussions avec les repreneurs potentiels n'ont toujours pas abouti et la société ne peut plus payer les salaires de ses 8 employés.
Un soupçon d'espoir ?
Même si Tonjé Bakang veut croire qu'"une vente est toujours envisageable encore pour quelques temps" - "la marque Afrostream et la technologie développée demeurant la propriété de la société américaine Afrostream Inc, la maison mère de la filiale française" - cette option semble désormais peu probable, l'entrepreneur annonçant que la fermeture du service est "définitive".
En revanche, on peut facilement imaginer qu'Afrostream n'est pas le dernier de ses projets. "Je suis plus que jamais convaincu qu’il y a un espace grandissant pour l’innovation, l’expérimentation et la disruption dans les médias, en particulier dans la production de fictions originales. Je vais donc continuer à créer de la valeur au sein de cette industrie créative dans laquelle j’ai commencé à travailler dès l’âge de 16 ans."