Swiper, solution d'affichage publicitaire innovante, annonce son pivot vers une solution B2B. Son application, qui comptait presque 500 000 utilisateurs, ferme. Son cofondateur William Tarnowski revient sur cette décision dans un post Medium.
Pivot [pi.vo] : à la fois excitant et effrayant, c’est le moment où un entrepreneur repart d’une page pas tout à fait blanche, avec un peu plus de chances de faire moins d’erreurs.
On sort son produit, on le bichonne, on l’améliore tous les jours, on règle le business model comme un horloger suisse, on trouve des clients, on en perd, on essaie de faire parler de nous, on réussit certains de nos défis, on échoue sur d’autres, mais quoi qu’il arrive on avance, on fonce, on apprend.
Un jour, on se rend compte que le plafond est plus bas que prévu, on va peut-être bientôt atteindre une limite qu’on avait pas vu venir, un plateau de verre et la seule manière d’en sortir, c’est de proposer un nouveau produit ou tout simplement de pivoter.
Quatre ans plus tôt
Il y a maintenant 4 ans, j’ai passé quelques mois en Corée du Sud à Daegu où j’ai pu voir un produit assez fun : une app qui propose de rémunérer son utilisateur en échange de répondre à des questionnaires (jusqu’ici, pas/peu d’innovation) … sur leur écran de verrouillage (là ça devient intéressant). Plusieurs millions d’utilisateurs en quelques mois, je me dis qu’il y a quelque chose d’intéressant à faire en France.
De retour en France, j’en parle à mon meilleur ami, Damien Authier, qui cherchait à se lancer dans l’entrepreneuriat également. C’est décidé, on creuse l’idée, on s’enferme un weekend, on bosse à fond dessus et on postule à un incubateur.
On propose le concept de Swiper : une app qui affiche de manière ponctuelle de la publicité ciblée sur le lockscreen des smartphones et récompense l’utilisateur en cartes cadeaux, codes promos et offres exclusives chez les annonceurs qu’il a pu voir.
On intègre un incubateur en Mars 2014 (Neoma Business School, Rouen), puis un accélérateur tech quelques mois plus tard (Startup42, Epita), on lève des fonds, on monte une équipe et on lance l’application sur le store, officieusement en septembre 2015, officiellement en janvier 2016.
Les premiers retours sont unanimes : remplacer son fond d’écran par des contenus publicitaires ciblés et « fructueux » plait aux utilisateurs, le concept est validé. En quelques mois on réunit près de 100.000 utilisateurs en France et on commence à vendre nos premières campagnes publicitaires à des régies. La machine s’enclenche.
Pour la petite anecdote, on a d’abord commencé par diffuser des contenus publicitaires que nous avions créés nous-même ainsi que des codes de réduction que nous trouvions sur le net. Il était impossible de vendre une campagne publicitaire à un annonceur lorsque l’on avait à peine 20.000 users.
On recrute d’avantage, en tech pour que les serveurs tiennent, en communication pour gérer la communauté engagée que nous étions en train de créer, en bizdev pour vendre des campagnes publicitaires ou offres promotionnelles à diffuser à nos utilisateurs.
Le marché, lui aussi, commence à nous connaitre : « ah oui Swiper, vous mettez de la pub sur les fonds d’écran c’est ça ? » C’était déjà ça.
Cependant on continue de nous mettre dans la case « publicité incentivée » c’est-à-dire publicité qui rémunère ses utilisateurs malgré les statistiques qui prouvaient exactement le contraire.
Pour mieux comprendre le concept : nous offrons des points aux utilisateurs de Swiper à chaque fois qu’ils voient une publicité sur leur téléphone et non pas lorsqu’ils s’engagent avec (cliquent sur la pub pour aller sur le site de la marque). Donc nous ne créions aucun biais dans l’engagement.
Sur (presque) toutes les campagnes que nous avons diffusées, nous avons eu des statistiques d’engagement proche des 5%, nettement supérieurs aux traditionnels 1–2% sur les autres médias. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas d’interruption dans le parcours utilisateur comme avec les interstitiels in-app qui s’affichent de manière aléatoire lorsqu’on lit un article sur nos médias préférés.
L’utilisateur installe une app qui va changer son lockscreen en pub, il s’attend à ce que lorsqu’il ouvre son téléphone, une publicité s’y affiche. Et lorsqu’elle s’affiche, il se demande ce que l’app (qu’il a délibérément installé) lui propose : il est captif et attentif au contenu, qui, de plus, est ciblé. La « rémunération » est dans la majorité des cas liée aux annonceurs qui lui ont été proposés et non pas une dizaine d’euros virés par Paypal.
En novembre 2016, nous sommes récompensés par l’IAB comme le format publicitaire le plus innovant de l’année dans la catégorie « Videos ads & New Formats ».
Finalement, nous avons réussi à faire télécharger l’app presque 500.000 foisen France avec peu de moyen.
Notre meilleur canal d’acquisition ? Le parrainage
Chaque utilisateur pouvait parrainer des connaissances (comme sur Uber ou les foodtech) et le résultat est sans appel : chaque utilisateur a en moyenne parrainé 2,3 personnes.
Chaque jour, nous avions en moyenne 1800 installations de l’application avec environ 80% des utilisateurs qui provenaient du parrainage via SMS (comme quoi, le SMS n’est pas mort).
Nous avions deux problèmes : réussir à nourrir toutes les bouches comme on disait (aka vendre assez de campagnes publicitaires pour l’ensemble de nos utilisateurs) et le deuxième c’était que notre technologie commençait à être convoitée (un bon problème).
« Votre techno est vraiment sexy, vous êtes en mesure d’afficher n’importe quel contenu média sur l’écran du smartphone le plus vu, est ce qu’il serait possible de la mettre dans mon app ? »
Cette phrase commençait à devenir de plus en plus omniprésente lors de nos pitchs clients et nous étions, avec mon associé, en plein dans la lecture de « On m’avait dit que c’était impossible » de Jean-Baptiste Rudelle, Critéo. Il y explique comment, parti de rien, il a découvert l’adtech puis a opéré un pivot avec leur techno super sexy.
« Euréka ! Et si, on proposait notre technologie à des éditeurs ? Et si, on restait aussi dans l’adtech en pushant des opés sur les écrans verrouillés de leur audience ? Et si, on se servait de notre techno pour remplacer les notifications push dont le format n’a pas bougé depuis 10 ans ? »
Et bien évidemment, le plus gros des « Et si », « Et si on arrêtait Swiper ? »
Avec des « Et si » on ne fait pas grand-chose
On s’est remonté les manches, on a planché sur le sujet, on a réuni notre board, on leur a dit qu’on va pivoter (= tout ce qu’on a fait depuis que vous nous avez fait confiance et le BP sur lequel vous avez signé, on met tout ça aux archives, on change tout) et ils nous ont suivi avec un énorme enthousiasme ! On a briefé l’équipe : tout le monde était partant.
L’idée est de proposer aux médias de valoriser les contenus sur lesquels ils travaillent dur plutôt que d’essayer d’appâter les utilisateurs avec deux lignes de texte (et un emoji, nouveauté 2016 dans le push) pour les découvrir.
Mais également de proposer un nouveau format publicitaire, InSwipe, OutApp, intégré au feed, en dehors de l’app pour monétiser non plus uniquement l’audience active de l’application (ceux qui ouvrent l’app)mais 100% de l’audience de l’application (même ceux qui ne l’ouvrent jamais).
Le tout dans un grand respect de l’utilisateur en proposant aux marques d’être présentes sur l’écran le plus consulté du smartphone sans aucune interruption dans la navigation de l’app.
En Novembre 2016, nous sommes présents au Web Summit pour présenter une version pré-alpha de notre techno à Lisbonne devant plusieurs dizaines de milliers de médias, investisseurs, entrepreneurs, prospects et curieux. Il y avait une file d’attente à notre stand pour un pitch, c’était dingue ! (nous n’avions aucun goodies ou bonbons à distribuer, je précise au cas où!).
Aujourd’hui nous sommes en Août 2017, le produit est désormais en test dans une grande partie des médias Français avec plusieurs sorties prévues pour les prochains mois. L’équipe est plus forte que jamais, le produit plus robuste qu’il n’a jamais été, les étoiles sont alignées. Et d’ailleurs, les premières statistiques sont encore meilleures que dans notre « Business Plan?—?Hypothèse haute.xlsx ».
Comment on se sent lorsqu’on pense au pivot ? Stressé.
Comment on se sent lorsqu’on officialise le pivot ? Libéré.
Comment on se sent lorsqu’on lance le nouveau produit ? Surexcité.
Merci à tous ceux qui nous ont accompagnés depuis le début, notre board, nos partenaires régies, annonceurs, agences médias, prestataires, à l’ensemble de mon équipe pour être plus motivée que jamais et bien évidemment à nos (quasi) 500.000 utilisateurs de l’application.
On se dit à très vite sur vos smartphones !