À l’occasion de la publication de leur livre "Platform Strategy", Maddyness a rencontré Laure et Benoit Reillier, fondateurs du cabinet de conseil en stratégie Launchworks & Co, spécialisé dans le développement des modèles d'affaires innovants.
Pourquoi ce livre ? Comment l'idée est-elle née ?
Nous avons eu la chance de voir naître le web (puisque notre campus a été l'un des premiers sites connectés en France) et nous avons tout de suite compris l’importance du numérique pour les entreprises. Nous avons aussi remarqué que cette transition numérique était nécessaire mais pas suffisante. Les entreprises qui tirent leur épingle du jeu ne transposent pas leur modèle d’affaires en ligne, elle le change pour profiter pleinement du potentiel du numérique. eBay et Amazon ne se sont pas contentées de vendre en ligne mais ont réinventé un écosystème de plateforme qui permet à des vendeurs et des acheteurs de se rencontrer globalement en ligne.
En outre nous avons réalisé que les outils, cadres d’analyses et concepts de management traditionnels ont été conçus pour les sociétés linéaires de type fabricant ou distributeur et non pas pour ces nouveaux modèles… C’est ce qui nous a donné l’idée du livre.
À qui est-il destiné ?
Ce livre est destiné aux étudiants en management ainsi qu’aux entrepreneurs et responsables de plateformes de toutes tailles, petites et grandes. Ils y apprendront beaucoup sur le fonctionnement de ces nouveaux modèles d’affaires. Un deuxième public est celui des cadres et employés de sociétés plus traditionnelles qui désirent développer des compétences nouvelles et aider à la transformation de leur société.
Alors une plateforme c’est quoi exactement ?
Ces nouveaux modèles d’affaires que nous appelons plateformes ne fabriquent rien au sens traditionnel du terme mais ils gèrent un écosystème capable d’attirer les participants, de les mettre en contact et de les faire communiquer pour leur permettre de faire des transactions. Les réseaux sociaux –comme Facebook et LinkedIn-, les places de marché –comme eBay ou Airbnb-, les réseaux de paiements –comme Visa ou Mastercard- et les App Stores d’Apple et Android/Google sont des exemples de plateformes.
Et en quoi ces plateformes sont-elles si différentes des modèles traditionnels ?
Ces plateformes ont besoin de résoudre les problèmes de deux communautés (que nous appelons ‘producteurs’ et ‘utilisateurs’) donc dès le départ, une plateforme se doit de développer deux propositions de valeurs, recruter deux types de participants, les faire se rencontrer et leur offrir les outils pour pouvoir faire une transaction (acheter ou vendre un bien, offrir un service, etc.). C’est pour cela que lancer une plateforme c’est un peu comme lancer deux sociétés en même temps.
En outre, il est rapidement nécessaire d’atteindre une masse critique pour s’assurer qu’il y a assez d’activité sur la plateforme pour satisfaire tous les participants. Un site de rencontre avec une seule annonce n’est pas ce qu'il y a de mieux, donc il faut ‘scaler’ (croitre) très rapidement… Avec plusieurs millions de profiles comme Happn ou Tinder, la cela devient intéressant !
Enfin, cette rapide croissance doit être équilibrée. Pour rester avec l’analogie des sites de rencontres, il est important d’avoir un équilibre homme/femme, comme il est important pour Airbnb d’avoir un équilibre entre appartements à louer et loueurs ou pour Apple d’avoir assez d’applications sur son app store et assez d’acheteurs potentiels.
Quels seraient vos conseils pour les startups et scaleups qui ont déjà pensé ou pensent à un modèle de plateforme ?
Reconnaître la spécificité d’un modèle de plateforme est une première étape importante. Nous rencontrons beaucoup d’entrepreneurs qui n’avaient pas réalisé que leur société opérait selon des normes et principes différents… et qui réalisent soudainement en lisant notre livre !
Ensuite nous voyons beaucoup de sociétés qui essayent d’automatiser trop tôt… il est important de bien comprendre le cœur de métier de la plateforme et les intéractions importantes pour ses participants… quitte à faire la mise en relation manuellement au début.
Avez-vous pu noter des différences (positives et négatives) entre les entrepreneurs français et les autres ?
En règle générale, les Français sont très appréciés et fonctionnent bien dans des environnements de type plateformes. C’est moins la nationalité que l’écosystème qui semble expliquer les différences de comportements et d’ambitions. Mais si l’Europe a un peu de retard en ce qui concerne les plateformes, les entrepreneurs français sont en train de le combler. Regardez le succès de Frédéric Mazzella (et ses cofondateurs) avec BlaBlaCar, Didier Rappaport, cofondateur de Dailymotion et maintenant aux commandes de Happn, Céline Lazorthes avec Leetchi, Stéphane Kasriel à la tête de Upwork et André Haddad à la tête de Turo (tous deux à San Francisco).