L’héritage des premières équipes Open Inno
Tous ceux qui font partie de l’écosystème de l’Open Innovation depuis plus de 3 ans ont déjà entendu ces expressions : “pépites” pour désigner une startup d’exception et “sous le radar” pour expliquer que cette startup n’a pas encore été découverte par les autres acteurs de l’écosystème.
Il y a quelques années, “chercher des pépites sous le radar” était une stratégie de sourcing à la fois répandue et tout à fait logique étant donné le contexte : les startups étaient peu nombreuses, les potentiels “prescripteurs de startups” au sein de l’écosystème (accélérateurs, fonds, consultants en innovation, labels…) peu nombreux également, et le travail de collecte de l’information sur les startups était laborieux.
Qui plus est, il ne faut pas oublier que le sourcing est la 1ère étape de la collaboration avec des startups, il est donc logique que la 1ère génération d’équipes Open Innovation de grands groupes se soit concentrée sur la bonne exécution de cette activité avec les moyens de l’époque.
À l’époque d’ailleurs, les startups étaient tellement moins sollicitées qu’aujourd’hui, et pourtant déjà à la recherche de puissants partenaires, qu’il suffisait presque d’être le premier grand groupe à les trouver pour être sûr de démarrer une collaboration avec les startups de son choix.
Le sourcing étant alors stratégique dans la réussite de la démarche Open Innovation, l’héritage laissé par cette première génération d’équipes Open Innovation de grands groupes est donc celui d’une culture de la confidentialité et de l’exclusivité au niveau des partenariats avec les prescripteurs de startups dans l’écosystème.
Les "pépites sous le radar", c'est terminé !
Mais aujourd’hui la situation a radicalement changé. En effet, il n’est ni difficile de détecter des startups, ni de collecter de l’information au sujet de ces startups, ni de construire un réseau de prescripteurs dans l’écosystème et nous donnerons 3 facteurs explicatifs :
- Le premier facteur est la croissance même du nombre de startups créées (+12,5% en 2016) : plus il y a de startups, plus il est facile de les trouver.
- Le deuxième facteur est l’incroyable multiplication du nombre de prescripteurs de startups. Incubateurs, accélérateurs, pépinières, cabinets de conseil, agences de notation de startups, labels, institutions, fonds d’investissement, réseaux d’entrepreneurs, clubs open innovation, associations, médias entrepreneuriaux, événements, concours, etc. Tous ces organismes qui recommandent des startups pullulent aujourd’hui à tel point qu’il devient parfois difficile de se repérer dans l’écosystème.
- Le troisième facteur est l’apparition d’outils de sourcing de plus en plus sophistiqués, notamment les réseaux sociaux d’entrepreneurs et les bases de données, qu’elles aient été constituées sur auto-déclaration des startups ou par crawling/scrapping (rarement légal) du web.
Ces 3 facteurs sont bien sûr intimement liés. Le développement des outils de sourcing a été une réponse à l’augmentation du nombre de startups créées et l’augmentation du nombre de prescripteurs est en partie liée à une diversification de leurs métiers : face aux nouvelles facilités de sourcing, les prescripteurs ont recentré leurs propositions de valeur plus en aval, sur la qualification des startups.
Chez Kinov, nous appelons ce phénomène la “commoditisation des données de sourcing” pour expliquer que les données génériques de sourcing sur les startups sont devenues des “commodités” : elles sont désormais faciles à obtenir et ont donc une faible valeur.
L’objectif : réduire le "time-to-poc"
Vous l’aurez compris, dès qu’un entrepreneur crée une page entreprise sur LinkedIn, un profil sur AngelList ou dépose ses statuts, sa startup est recensée dans de nombreuses bases de données connues. À condition de connaître les bons outils, tous les acteurs de l’écosystème sont donc quasiment à égalité dans leur sourcing et, il apparaît ainsi évident que cette activité n’est plus le “nerf de la guerre” pour les équipes Open Innovation de grands groupes.
C’est donc sur les activités qui sont en aval du sourcing que le succès de la démarche Open Innovation va se jouer, à savoir la qualification des startups et le matchmaking avec les équipes métiers internes qui seront chargées de conduire opérationnellement les POC avec les startups.
Or, nous avons dit précédemment que les prescripteurs de startups s’étaient eux-mêmes recentrés sur la qualification des startups plutôt que le sourcing. Dès lors, il apparaît évidemment plus propice de mutualiser ses efforts de sourcing avec ces acteurs de l’écosystème.
L’avantage immédiat, au-delà d’élargir le nombre de startups sourcées, est de collecter, dès l’étape du sourcing, des éléments de qualification des startups par les prescripteurs. Ceci permettra in fine de réduire le “Time-to-POC”, c’est-à-dire le temps écoulé entre le moment où vous sourcez une startup et le moment où vous démarrez un POC avec elle.
Et si cela implique de mutualiser les efforts de sourcing aussi avec d’autres grands groupes, l’arbitrage reste le même car ces grands groupes, probablement dotés des mêmes outils que vous, détectent les mêmes startups que vous en même temps que vous.
Mutualiser le sourcing : la bonne pratique
En raison des héritages de précédentes stratégies de sourcing, évoqués plus haut, la mutualisation du sourcing peut être un pas difficile à franchir, même lorsque l’on est un acteur de l’innovation “ouverte”.
Il faut cependant savoir que la plupart des équipes innovation pratiquent déjà cette ouverture : dans des groupes de travail thématiques ou non (par exemple Alliance pour l’Innovation Ouverte), au cours d’appels à projets communs (par exemple BigUp4Startups), sur des événements (Viva Technology) où les startups sourcées par les uns et les autres sont présentées à tous ou encore sur certains outils d’Open Innovation collaboratif comme le nôtre.
Cette bonne pratique, en plus d’augmenter le flux de sourcing entrant et de réduire le Time-to-POC, est sans risques majeurs et bien perçue par les startups.
- Sans risques majeurs car les informations de sourcing partagées au sujet des startups sont génériques, de faible valeur et ne sont pas des données de qualification permettant de réduire le Time-to-POC.
- Bien perçue par les startups car c’est pour elles un moyen d’être visibles de plusieurs grands groupes sans avoir à communiquer plusieurs fois les mêmes informations génériques.
Enfin, “mutualiser les efforts de sourcing” ne signifie ni “partager la totalité de ses données”, ni les “partager avec des concurrents directs”. On ne parle ici que de mutualiser les informations de base sur les startups et entre des entreprises de préférence non concurrentes (une startup fintech innovante sur les moyens paiements pourra aussi bien être repérée par un groupe du retail que par une entreprise de paris en ligne ou encore une grande banque). Pour finir, certaines startups sourcées peuvent toujours rester confidentielles, par exemple le “dealflow” d’un fond corporate qui revêt un caractère plus confidentiel et stratégique.