Serge Papin, président directeur général de Système U est à bord de The Bridge, un huis clos entrepreneurial exceptionnel qui se tient sur le Queen Mary 2 le temps d’une traversée Saint-Nazaire - New York. Ayant à coeur de soutenir les PME françaises, celui qui a commencé en tant que manutentionnaire dans un magasin de sa Vendée natale dévoile sa feuille de route et ses ambitions pour faire de son entreprise une référence dans l'alimentaire.
Vous avez un parcours exceptionnel, pensez-vous qu’il serait plus compliqué aujourd’hui de réaliser ce que vous avez fait ?
Je ne pense pas avoir eu un parcours exceptionnel mais aujourd’hui il y a moins d’ouverture si l’on n’a pas fait d’étude, donc je dirais que ce serait plus compliqué. En revanche, le digital offre des possibilités qui n’existaient pas avant. Quand on voit des YouTubeurs qui se sont fait tout seuls et qui aujourd’hui collaborent avec des marques et en vivent, c’est fantastique. Ce que je regarde beaucoup en ce moment, c’est Open Food Facts, de manière collaborative ils créent une base de données alimentaire géante et proposent des recettes sur YouTube pour en vivre.
Pour en revenir à mon évolution, celle que j’ai connue est encore possible dans une structure comme Système U, car c’est un groupement coopératif et l’ascenseur social y fonctionne, mais ce n’est pas le cas dans les grands groupes capitalistes.
Aujourd’hui il est aussi difficile d’évoluer au sein de la même structure car les carrières ne se font plus dans une seule et unique entreprise à laquelle on consacre sa vie…
Il y a en effet un gros enjeu de fidélisation de la nouvelle génération car quand on confie les rênes d’une business unit à quelqu’un de 30 ans, les résultats sont fantastiques. Le capitalisme doit se rénover de ce point de vue-là, on doit favoriser les organisations à plat, les organisations collaboratives. Chez Système U on est collaboratifs par nature.
Il faudrait que toutes les boites aient par exemple un contrat d’intéressement. Il faut que toutes les entreprises partagent la valeur quand elle est créée. Au bout d’un an tout le monde devrait pourrait être actionnaire de l’entreprise. De même qu'il faut également faire appel à la créativité de l’ensemble des collaborateurs.
En parlant de créativité, comment peut-on être créatif quand on est à la tête d’un paquebot comme Système U ?
Notre job est de faire venir le client dans le magasin, et pour ce faire il faut des vrais artisans dans les métiers de bouche, des vrais experts. Côté technologie il sera de plus en plus possible de bénéficier de produits personnalisés. Par exemple on peut choisir son pain avant même de rentrer dans le magasin, quel type de levain, quels ingrédients etc. C'est une chose à laquelle on s'intéresse mais qui n'est pas encore largement diffusée.
Concernant internet, on ne peut pas faire la promotion d’un modèle à la Amazon où les gens commanderaient depuis leur canapé. Ça ne nous plait pas comme projet de société. On ne va donc pas aller marcher sur ce terrain-là. La marque U dans sa radicalité est tournée vers le consommateur.
Comment innover si on ne se tourne pas vers ce type de modèle ?
Par l'accompagnement des startups régionales qui proposent des produits intéressants par exemple. Comme ce jeune à Nantes qui fait des cookies et avec lequel nous travaillons. Nous voulons faire grandir les entreprises avec lesquelles nous travaillons et pour qu'il y ait réciprocité, il faut que l'on passe des contrats d’exclusivité. Notre but c’est d’être demain une entreprise référence dans le domaine de l'alimentaire.
Et comment travaillez-vous avec ces startups ?
Déjà on paye tout de suite, et non pas à 30 jours, et on les conseille, dans le choix de leur packaging etc. On ne parle pas de négociation avec Unilever là, il faut que nos acheteurs ne soient pas des acheteurs traditionnels qui loupent les opportunités. On est à la fois un paquebot sur certaines choses et plein d'agilité sur d'autres.
En ce qui concerne la fabrique de cookies nantaise, c’est moi qui suit le dossier, je peux parfois servir d’entremetteur mais le vice-président et le directeur général sont aussi ouverts à ça.
Allez-vous plus loin dans le soutien aux startups ?
On a cette conscience qu'il faut créer une structure pour sélectionner des startups et c'est actuellement en gestation. Pourquoi pas avec Numa, il faut voir ce que l'on peut faire ensemble. Je serais également très favorable à ce que Système U se dote d'un fonds mais ce n'est pas encore un sujet.
Un conseil à donner aux entrepreneurs ?
Il faut savoir conjuguer l'indépendance et l'association. Les associations d'intérêt sont une chose qui permet de ne pas vivre isolé. Il y a un curseur à savoir habilement placer entre indépendance eh association avec les autres. Je dirais aussi qu’il faut de l’endurance et être capable de prendre des coups et de continuer à avancer en s'adaptant au contexte.