3/6 - De l’intelligence artificielle à la cybersécurité, les deep tech envahissent notre quotidien. Cédric Favier, venture investor chez Seventure Partners, analyse comment ce secteur se structure.
Le secteur des technologies est propulsé par le capital humain et il est essentiel d'attirer et de retenir les meilleurs talents. Selon Stack Overflow Insights, l'Europe compte environ 4,7 millions d'ingénieurs contre 4,1 millions outre-Atlantique. Une étude de Balderton Capital révèle même que Berlin, Paris et Londres concentrent un nombre d'ingénieurs équivalent à celui de la Silicon Valley. La répartition des PhD est assez similaire également. Le niveau local de rémunération est très raisonnable et sans commune mesure avec l'Amérique du Nord. Le salaire moyen en France pour un développeur est même un des plus bas d'Europe (45 000 euros brut par an contre 66 000 euros au Royaume-Uni). Les talents européens ont la réputation d'être plus loyaux que leurs homologues américains et ils sont même devenus bien plus mobiles hors des frontières de leur pays d'origine.
Il est aussi indispensable (notamment dans les deep tech) d'attirer des talents qui ont une expertise dans la création de business concrets. Comme on l'a déjà vu, l'écosystème est désormais bien en place avec une nouvelle génération d'entrepreneurs. Mais il est également nécessaire de pouvoir trouver des personnes qui ont des compétences à l'international, en marketing et vente, une expertise sectorielle spécifique et un large réseau de contacts. Il est encore difficile en Europe pour les cadres des grandes entreprises de sauter le pas et de rejoindre une startup. Malgré tout, les meilleures écoles de commerce forment de plus en plus de futurs entrepreneurs et cadres pour le secteur de la tech (un diplômé de MBA sur cinq a trouvé un emploi dans le secteur du numérique, un chiffre en croissance de 25% sur un an).
Mieux former pour mieux recruter
Malgré tout, le recrutement de personnes qualifiées reste l'un des plus grands défis auxquels les startups deep tech sont confrontées en Europe. Il y a une forte pénurie de talents et notamment dans les fonctions techniques, comme les data scientists, et produit - développement et marketing. En effet un grand nombre de talents s’expatrient ou sont attirés par les grands groupes. C'est un énorme problème car une startup doit pouvoir faire croître son équipe d'un facteur x10-50 entre les phases d'amorçage et de croissance.
Il est donc indispensable de continuer à sensibiliser les jeunes diplômés à l'entrepreneuriat et de promouvoir les carrières technologiques pour les plus jeunes générations. L'école 42 est un très bon exemple de diversification des méthodes d'apprentissage pour contribuer à former un plus grand nombre de personnes. Sans rentrer dans le débat sur l'ouverture et la fluidité du marché du travail, il faut améliorer sa souplesse et adopter des politiques d'immigration plus favorables. L'Allemagne, par exemple, a assoupli les lois sur l'immigration spécifiquement pour les professionnels de la technologie il y a environ cinq ans, ce qui constitue aujourd'hui l'un des moteurs majeurs du secteur.
À l’image de BlaBlaCar, les startups ont bien compris qu'il est nécessaire de développer une forte culture pour attirer les talents du monde entier. De plus, les mesures protectionnistes et anti-immigration de l'administration Trump vont pouvoir permettre à l’Europe d'attirer les meilleurs talents internationaux. La France doit aussi pouvoir tirer bénéfice du Brexit pour récupérer ses expatriés et attirer de nouveaux talents. Enfin, il est aussi indispensable de favoriser l'installation sur le sol européen des grands groupes technologiques. Des géants comme Facebook, Google, IBM et Microsoft forment efficacement une grande partie des futurs entrepreneurs et employés de startups.
Retrouvez cet article sur la page LinkedIn de Cédric Favier où il a été initialement publié