Malgré de très bons chiffres et une situation financière solide, les fondatrices d'Apéro'Boulot se sont heurtées à la frilosité des banques. Equipe trop jeune, entreprise trop récente, des arguments surannés à l'époque de l'entrepreneuriat à tout va et de l'hypercroissance qui ont bien failli mettre en péril un investissement pourtant capital pour cette jeune pousse.
L'histoire avait pourtant bien commencé. En avril 2016, Charlotte Bonnet et Juliette Grout décident de créer leur service traiteur bio et local. A peine quelques mois plus tard, ApérO'Boulot se lance et connaît rapidement la rentabilité. "Notre chiffre d'affaires augmentait très rapidement et nous avions de la trésorerie d'avance", précise Juliette Grout. Au départ, les deux entrepreneures avaient fait le choix d'externaliser la production en recourant à des cuisiniers de restaurants qu'elles formaient à l'activité de traiteur et aux exigences d'ApérO'Boulot. Mais, après plusieurs mois d'activité, l'idée d'internaliser la production a fait son chemin : cela permettrait de gagner du temps et de pérenniser la qualité de service.
Pour pouvoir s'installer dans un local et réaliser les travaux nécessaires à sa mise aux normes, ApérO'Boulot a besoin de 250 000 euros et se tourne vers sa banque historique. "Nous avons envoyé nos chiffres par mail à notre conseiller et il nous a répondu que le dossier ne poserait pas de problème, se rappelle Juliette Grout. Il était enchanté au départ !" Mais très vite, les fondatrices déchantent. Le processus de validation du prêt traîne en longueur et elles apprennent finalement que leur dossier n'a pas passé l'étape de la validation en commission régionale, après avoir été pourtant soutenu par le conseiller et le directeur de l'agence locale.
" On nous a dit que l'entreprise était trop jeune,
parce qu'elle avait moins de trois ans d'existence,
qu'il fallait qu'on retente notre chance dans deux ans "
Juliette Grout, cofondatrice d'ApérO'Boulot
Deux ans à l'échelle d'une startup, c'est une éternité. Charlotte Bonnet et Juliette Grout se tournent donc vers deux autres banques, qui leur opposent la même fin de non-recevoir. "Il fallait à chaque fois remplir un dossier très détaillé, souligne Juliette Grout. Les banquiers tiquaient sur notre patrimoine personnel : aucune de nous deux n'était propriétaire, à 28 ans ça paraît plutôt normal. Mais cela posait problème." Pressentant les difficultés, les deux jeunes femmes avaient pourtant adapté leur discours. "Nous ne nous présentions pas comme une startup, car cela peut inquiéter les banques. Nous parlions de notre projet ou de notre entreprise." Au total, la frilosité des banques a fait perdre quatre mois aux entrepreneures.
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Peu d'alternatives envisageables
Elles n'ont pourtant pas envisagé de recourir à d'autres formes de financement, crowdfunding ou levée de fonds. "Nous avions besoin d'un investissement plutôt important qui ne correspondait pas à ce que proposent la plupart des plateformes de crowdfunding, justifie Juliette Grout. Et lever des fonds, c'est prendre le risque de diluer le capital et de ne plus être maîtres de notre société. C'était inenvisageable alors que nous avions déjà atteint la rentabilité." Le seul plan B pour les deux jeunes femmes : un prêt personnel auprès de leurs proches.
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Elles n'en ont finalement pas eu besoin. Un autre entrepreneur leur a conseillé sa banque... et son conseiller. Jeune, appartenant à la génération des startuppers, "il a su s'appuyer sur nos chiffres plutôt que de buter sur notre âge ou la jeunesse de notre société". Au bout du suspense, le dossier est finalement validé et le prêt débloqué. De quoi préserver l'optimisme de Juliette Grout : "Tout s'arrange toujours, il suffit d'être persévérant."