Certains louent son ambition, d'autres soulignent sa capacité de travail. Tous reconnaissent ses compétences numériques et son intelligence qui l'ont guidé jusqu'au gouvernement. À seulement 33 ans, le benjamin de l'équipe d'Edouard Philippe a logiquement hérité du secrétariat d'Etat au Numérique, après avoir piloté la stratégie en ligne d'Emmanuel Macron durant sa campagne. Et sa nomination ne doit rien au hasard : entrepreneur précoce, travailleur acharné et geek dans l'âme, il correspond parfaitement à la ligne politique que le nouveau président souhaite incarner.
Ce fils d'immigrés marocains s'est très tôt illustré par sa capacité à innover : en 1997, à 13 ans, il avait remporté un concours organisé par Sciences & Vie Junior grâce à son concept novateur de "règle à camembert".
En 1997, @Mounir Mahjoubi, le nouveau secrétaire d’État au numérique, remportait notre concours Innovez grâce à sa règle à camembert 🙂 pic.twitter.com/EFhOqwipbB
— Science & Vie Junior (@LeLaboSVJ) 19 mai 2017
Anecdotique ? Pas tout à fait. "Il a eu un parcours pas simple, sa famille avait très peu de moyens, se souvient Mercedes Erra qui l'a recruté quinze ans plus tard au sein de l'agence de publicité BETC. Il était très susceptible sur les questions d'immigration mais c'est de là qu'il a tiré sa niaque." Une volonté qui le pousse à apprendre, toujours plus et toujours plus rapidement. "C'est grâce aux bibliothèques et aux médiathèques qu'il s'est familiarisé avec les ordinateurs, souligne son ancienne directrice. C'est aussi pour cela qu'il a une vision très positive de la France."
Parallèlement à ses études, il travaille chez Club Internet, la pépite montante du web d'alors. "C'était la grande époque des années 2000, écrit Mounir Mahjoubi lui-même sur son profil LinkedIn pour évoquer cette expérience. J'avais alors 16 ans et j'étais un vrai geek : à ce moment-là, je passais mes nuits à coder, discuter sur IRC et jouer à des jeux en ligne. J'ai commencé à bosser chez Club Internet les samedis et dimanches en tant que technicien et j'allais en cours la semaine. J'étais le plus jeune employé et j'apprenais énormément chaque jour."
Le jeune homme travaille beaucoup et nourrit sa curiosité tout au long d'un parcours qui a oscillé entre l'entrepreneuriat et la politique. À la Sorbonne où il suit une maîtrise en droit des affaires, il participe au concours de plaidoiries Lysias, une façon de mettre en avant son côté tribun, un atout bien utile en politique. À Sciences Po ensuite, où il poursuit avec un master en stratégie financière mais où son année aux Etats-Unis, à la très prestigieuse université Columbia, est dédiée au suivi des primaires démocrates qui voient alors s'affronter Hillary Clinton avec un certain Barack Obama. "Il a toujours eu l'idée de monter une entreprise, c'est un entrepreneur, reconnaît Mercedes Erra. Mais il se vit aussi en homme politique. Son chemin est construit, il avait une ambition précise."
Quelques années après son séjour aux États-Unis, dans la foulée de son master, il remporte la bourse du réseau Ariane de Rothschild, qui permet aux "futurs leaders" triés sur le volet de se former au management dans le secteur de l'économie sociale et solidaire. C'est le déclic. Après un premier échec entrepreneurial - il a fondé en 2006 FairSense, une société qui commercialise des stickers décoratifs - et alors qu'il est déjà à la tête de son agence de communication Mounir & Simon, Mounir Mahjoubi lance avec deux collaborateurs -Marc-David Choukroun, avec lequel il est ami depuis près de 15 ans, et Guilhem Chéron - La Ruche qui dit oui en septembre 2010.
Pari réussi pour les trois compères, la Ruche décolle, en partie grâce à la facilité avec laquelle Mounir Mahjoubi comprend et analyse les enjeux de l'écosystème numérique : "Mounir a un caractère assez complémentaire du mien. Moi, je suis un exécutant, lui c’est un véritable communiquant, il est très bon pour connecter les gens", explique Marc-David Choukroun.
C'est après son passage chez BETC qu'il bascule vraiment en politique. Passionné de politique, il avait déjà suivi la campagne de Ségolène Royal en 2007 et s'investit dans celle de François Hollande cinq ans plus tard. Flairant son talent, ce dernier le nomme en 2016 à la tête du Conseil national du numérique (CNNum), à la suite de Benoît Thieulin, où il restera à peine plus d'un an avant de rejoindre le mouvement d'Emmanuel Macron qui se lance. "Il est très malin, il a cette capacité de se mettre dans les bonnes trajectoires et de gagner", reconnaît Mercedes Erra, admirative.
Un passage éclair, pourtant très remarqué. Bertin Nahum, nommé au CNNum quelques semaines après Mounir Mahjoubi, dresse de son côté le portrait d'une personnalité "pugnace, très efficace et extrêmement créative, en dépit de son relatif jeune âge", et qui aurait, grâce à sa connaissance pointue du secteur, toute légitimité à se positionner au coeur du nouveau gouvernement. Une créativité qui s'exprime aussi dans la sphère privée : après avoir fondé la Ruche, Mounir Mahjoubi dit avoir développé "une passion pour la cuisine et les produits locaux" qui le pousse à s'inscrire, à 30 ans, en CAP cuisine. Diplôme qu'il obtient en 2015, malgré "des repas d'entraînement plus ou moins réussis", estime-t-il.
Comme Bertin Nahum, ses anciens collaborateurs ne tarissent également pas d'éloges sur le nouveau secrétaire d'Etat au Numérique et attendent beaucoup de ce petit génie à l'ascension fulgurante. "C'est un vrai geek mais qui a une compréhension très pointue du monde d'aujourd'hui, estime Mercedes Erra. Il est très politique, très concerné, très socialiste. C'est une force pour la France."