2/6 - De l’intelligence artificielle à la cybersécurité, les deep tech envahissent notre quotidien. Cédric Favier, venture investor chez Seventure Partners, analyse comment ce secteur se structure.
Depuis quelques années, on constate un véritable regain d'intérêt pour l'innovation technologique et enfin une vraie reconnaissance du statut d'entrepreneur. L'énergie créative est palpable et c'est un véritable changement d'état d'esprit qui s'est opéré. C'était encore inconcevable il y a une dizaine d'années en Europe et notamment en France, mais l'entrepreneuriat est maintenant perçu comme le moteur du changement social et même la nouvelle voie royale. Il faut donc continuer à cultiver et respecter l'esprit entrepreneurial.
Une révolution culturelle
Toutefois, il faut garder les pieds sur terre, car la création d'une startup (et plus particulièrement dans les deep tech) reste difficile et périlleuse. Il est aussi nécessaire de faire évoluer notre perception de l'échec et l'accepter comme une expérience d'apprentissage en instaurant une véritable culture de "rewarding failure". Si nous ne donnons pas la chance aux entrepreneurs de prendre le risque d'échouer et d'expérimenter l'échec, ils ne pourront jamais apprendre à réussir. D'autant plus qu'il existe encore une incompréhension généralisée de la valeur stratégique et du potentiel du secteur du numérique et des deep tech. Il serait donc facile de critiquer le manque de réussite et de conclure qu'il s'agit d'un effet de mode.
Notre écosystème est encore jeune mais il devient plus mature et sophistiqué avec le renouvellement des générations. C'est un cercle vertueux : les entrepreneurs à succès et leurs équipes démarrent de nouveaux projets ou s'impliquent dans l'écosystème. Ils apportent de l'argent, de l'expertise, des contacts et du mentorat. Mieux encore, ils apportent un niveau d'ambition sans précédent pour inspirer la nouvelle génération d'entrepreneurs. Les structures d'accompagnement fleurissent (233 incubateurs et 51 accélérateurs en France) avec notamment Station F à Paris qui s'annonce comme le plus grand campus de startups au monde. L'écosystème est également dynamisé par les installations et investissements des grands groupes technologiques (à l'instar de Cisco, Facebook ou Microsoft). Les communautés tech se développent et se structurent significativement au travers notamment d'événements dédiés aux deep tech.
A relire : Deep tech, une opportunité historique pour l’Europe ?
L'émergence de communautés collaboratives
Et pourtant, il semblerait qu'il manque un ingrédient... La qualité fondamentale d'un écosystème est de favoriser la collaboration. C'est la densité des relations qui va encourager l’esprit d’entreprise et d’innovation. C'est assez évident et remarquable quand on a passé quelques années en Amérique du Nord. Néanmoins, en France particulièrement, les entrepreneurs, les cadres, les chercheurs, les ingénieurs et les investisseurs ont beaucoup de difficultés pour se comprendre et travailler ensemble. Ils ne semblent pas vivre dans le même monde et sont souvent ouvertement défiants les uns envers les autres. Notre système éducatif a tendance à favoriser l'individu contrairement au système anglo-saxon plus axé sur le travail en équipe. C'est d'autant plus vrai dans les deep tech où les talents nécessaires à la réussite ont intrinsèquement des profils extrêmement variés. L'ouverture d'esprit, la bienveillance, la curiosité ou encore l'humilité doivent être cultivés pour faciliter l'échange d'idées et les interactions.
En tant qu'investisseur VC et militant dans la construction de communautés, je suis convaincu qu'il est essentiel de soutenir la création d'un solide écosystème en France et en Europe afin de faciliter les collaborations et d'aider à l'émergence de nouvelles opportunités de création d'entreprises dans les deep tech. Pour cela, il faut fédérer les entrepreneurs, cadres, chercheurs, ingénieurs et investisseurs sur des thématiques spécifiques et à l’extérieur de leurs frontières habituelles. Par exemple, il faudrait créer en Europe des structures spécialisées à l'image d'Element AI qui permettent de créer du lien entre les entrepreneurs/startups, le monde académique et les grandes entreprises et de dynamiser fortement l'écosystème deep tech.
Retrouvez cet article sur la page LinkedIn de Cédric Favier où il a été initialement publié