Mardi 25 avril se tenait le premier MaddyTalk de l'année, organisé par Maddyness au sein de l'espace de coworking WeWork fraîchement inauguré. Dédié à l'intelligence artificielle dans le divertissement et animé par Pierre Sedze (RMC) il a permis à Anthony Audebert (responsable de la stratégie digitale chez Sony Music Entertainment), Louisa Mesnard (fondatrice du chatbot Citron) et Olivier Ou Ramdane (directeur général adjoint chez eTF1) de confronter leurs visions du divertissement de demain, à l'épreuve des nouvelles technologies.
L'intelligence artificielle est au divertissement ce que les robots sont au travail : elle décharge les humains d'un certain nombre de tâches répétitives et pénibles pour leur libérer du temps à allouer à des activités plus passionnantes. Le constat qu'ont dressé les intervenants du MaddyTalk mardi soir se révèle très positif quant aux changements déjà en cours dans le milieu du divertissement. "La technologie a commencé par décupler l'accès au contenu, rappelle Olivier Ou Ramdane, directeur général adjoint chez eTF1. À tel point qu'aujourd'hui, on a un accès quasiment illimité qui nous impose d'être assistés dans notre recherche, sans quoi on passerait davantage de temps à rechercher le contenu qu'à le visionner."
" La technologie a tendance à disparaître, à devenir transparente "
Louisa Mesnard, fondatrice du chatbot Citron
Simplicité et rapidité constituent donc les maîtres-mots des développements technologiques actuels. "La technologie a tendance à disparaître, à devenir transparente, confirme Louisa Mesnard, fondatrice du chatbot de suggestions de sorties Citron. Sur Spotify, par exemple, la musique est suggérée en fonction de nos goûts identifiés par le moteur, nous n'avons même pas à rechercher le contenu." L'annonce d'Orange de dématérialiser sa LiveBox dans le cloud traduit cette volonté de cacher au maximum ce qui sépare l'humain du contenu, qu'il s'agisse de matériel à l'instar d'une box télé ou d'actions à réaliser pour y accéder.
"On crée des clips vidéo à partir d'articles écrits sans intervention humaine, les échelles ont complètement changé" @IVIPLUS #MaddyTalk
— Maddyness (@bymaddyness) 25 avril 2017
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Le défi des assistants personnels
C'est pourquoi l'avènement des assistants personnels, à l'instar d'Home (Google) ou d'Echo (Amazon) laisse entrevoir une société où le divertissement n'est plus à portée de main - ou même de clic - mais seulement à portée de voix. Pourtant, cette évolution pose la question du pouvoir de ces machines à tout faire. "On a envie d'être surpris mais on n'a pas envie de rechercher ce qui pourrait nous surprendre", résume Louisa Mesnard. "Or, si Google ferme son moteur de recherche et ne passe plus que par les assistants personnels, la musique que l'on écoutera sera uniquement choisie en fonction de nos goûts existants et le choix sera donc forcément plus limité", prévient Anthony Audebert, responsable de la stratégie digitale chez Sony Music Entertainment.
" On a envie d'être surpris mais on n'a pas envie de rechercher ce qui pourrait nous surprendre "
Louisa Mesnard, fondatrice du chatbot Citron
Et comment ces assistants personnels géreront la logique marchande à l'oeuvre dans le milieu du divertissement ? "Aujourd'hui, quand on fait une recherche sur Google, les premiers liens correspondent à du contenu sponsorisé, ce qui est clairement indiqué, explique Anthony Audebert. Est-ce que ce sera aussi le cas avec les assistants personnels et comment l'information sera-t-elle présentée ? Les assistants peuvent être des vecteurs de découverte mais il est nécessaire de penser des garde-fous pour protéger le consommateur." Une réflexion qui pousse Louisa Mesnard à affirmer qu'il est temps de "trouver de nouveaux modèles économiques". "Je pense à l'affiliation (utilisée par Citron, NDLR), c'est-à-dire le fait de proposer une multitude de services payants autour d'une recommandation qui ne serait pas biaisée, sur le modèle de WeChat."
Une personnalisation du contenu toujours plus poussée
L'intelligence artificielle permet également une personnalisation accrue du contenu, grâce à la connaissance sans cesse améliorée des goûts de l'utilisateur. "L'idée est de favoriser l'interaction pour susciter l'engagement de l'utilisateur, souligne Olivier Ou Ramdane. Aujourd'hui, on peut presque créer du contenu en temps réel selon ses réactions !" Une personnalisation accrue sur laquelle surfent les chatbots. "C'est plus facile, parce qu'ils s'appuient sur le langage, reconnaît Louisa Mesnard. En demandant un feedback à l'utilisateur après chaque recommandation, on enrichit son profil personnel et la base de données."
" Aujourd'hui, on peut presque créer du contenu en temps réel selon les réactions de l'utilisateur ! "
Olivier Ou Ramdane, directeur général adjoint chez eTF1
L'effet très déceptif des premiers chatbots, peu élaborés, est comparable aux faux espoirs suscités depuis des années par les expériences en réalité virtuelle. Mais la percée des uns comme des autres témoigne d'un changement d'ère. "Pour la première fois, on constate une convergence entre la démocratisation de terminaux de réalité virtuelle et les créateurs qui se sont appropriés ce nouveau langage pour proposer des expériences de qualité", s'enthousiasme Olivier Ou Ramdane en citant le travail de TF1 en la matière : mettre le téléspectateur dans la peau d'un coach de The Voice sur l'application My TF1 VR ou encore lui permettre de revivre le défi des fameux poteaux de Koh Lanta grâce au casque HTC.
"Un bot quand il sort est souvent débile et devient intelligent grâce à la data que l'on collecte" @LouisaMesnard #MaddyTalk
— Maddyness (@bymaddyness) 25 avril 2017
Les trois intervenants tombent cependant d'accord sur l'impérieuse nécessité de proposer aux utilisateurs des expériences de qualité... et toujours renouvelées. "Dans le milieu du divertissement, les gens se lassent très vite, tranche Louisa Mesnard. C'est pourquoi il nous faut créer des expériences qui se renouvellent et surprennent constamment."
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Quant à une intelligence artificielle qui supplanterait un jour l'humain, l'idée fait là aussi consensus... mais contre elle, cette fois. "C'est toute la limite de l'intelligence artificielle, juge Anthony Audebert. Rien ne remplacera jamais l'artiste avec sa personnalité. Quand on aime une musique, on a envie de découvrir la personne qui se cache derrière en la suivant sur les réseaux sociaux, en découvrant d'autres morceaux et tout un univers." Un avis partagé par Louisa Mesnard, qui estime que "l'on a besoin des deux". "On a besoin de l'humain et sa créativité. L'intelligence artificielle permet seulement de mieux le comprendre pour mieux l'aider."