Face à la montée en puissance d'autres hubs FinTech, l'Europe peine à assumer son statut de pionnière en la matière. Sébastien Cromback, responsable de développement France chez GoCardless, encourage le continent et ses institutions à être moins frileux.
Les investissements dans les technologies financières explosent en Asie, tandis qu’ils atteignent un rythme de croisière en Amérique du Nord mais restent modestes en Europe malgré leur croissance. En Asie, les politiques de modernisation poussées par le gouvernement chinois et ses investissements publics sont en partie responsables, tandis qu’en Europe, l’harmonisation réglementaire à 28 complique de facto les choses : pour que produits et services se développent aussi vite que dans les immenses marchés que sont les Etats-Unis ou la Chine, aucun frein réglementaire ne doit faire barrage aux startups européennes, dont le coût de développement reste plus important. Les startups européennes ont donc besoin de davantage de fuel pour décoller.
Identification numérique, protection des données, sécurité, politiques de plateformes, paiement en ligne… nombreux sont les sujets identifiés en novembre par la Task Force sur les technologies financières de la Commission Européenne, qui rassemble les "leaders des banques européennes". Triste cependant de constater que les acteurs innovants qui poussent le marché à se moderniser n’étaient pas conviés !
Un environnement réglementaire qui évolue rapidement
Cette absence de dialogue en dit long sur la vitesse à laquelle l’Europe tend à moderniser ses réglementations en matière de technologies financières, trop longtemps réduites aux services de crowdfunding. Il n’est toutefois pas trop tard et les progrès réalisés quant à la mise en place d’un marché numérique unique sont de toute évidence encourageants. Pour aider les FinTech, l’UE a ainsi rassemblé des experts qui courant 2017, devraient dévoiler leurs propositions. Nous n’en sommes donc pour l’instant qu’à un effet d’annonce.
En matière de réglementation, l’état de l’art est acceptable : la directive sur les paiements en ligne PSD2 et le processus SEPA ont déjà ouvert la voie à de nombreuses opportunités. L’entrée en vigueur en janvier 2018 de la directive MiFID2 encourage d’ores et déjà la naissance de nouvelles startups comme Neuroprofiler qui utilise des méthodes d’analyse comportementale qui permettent de définir le profil de risque d’un investisseur répondant aux contraintes imposées par la nouvelle réglementation. L’idée : faciliter la compliance (ou conformité) dans un environnement réglementaire qui évolue rapidement.
Ce sont donc les réglementations et divergences qui émergeront à l’issue du Brexit qu'il faudra vite appréhender pour favoriser les échanges et le développement des sociétés entre la Grande-Bretagne et le reste de l’Europe, dans les deux sens. Par ailleurs, du côté des capitaux-risqueurs, toutes les conditions sont réunies pour soutenir l’essor de nouveaux champions du secteur comme l’illustre la stratégie de Truffle Capital qui y dédie un fonds spécifique et va créer un incubateur dédié.
Peser face à l'Asie et l'Amérique du Nord
Dans les faits, les FinTech européennes ont surtout besoin du soutien des institutions financières historiques encore trop réfractaires à l’approche temps réel et big data et de la confiance des internautes. Ce sont les véritables conditions qui feront de l’Europe le premier continent dit FinTech friendly : la facturation en ligne en Europe n'atteint que 24%, comme aux Etats-Unis, mais devrait connaître une croissance bien plus importante pour atteindre 95% d'ici 2024, contre 38% seulement aux Etats-Unis, selon le rapport annuel 2014 de Global eInvoicing. Le développement des standards communs ne peut par ailleurs se faire que main dans la main avec les institutions financières et constitue une opportunité pour les partenariats public-privé.
De fait, un continent européen FinTech friendly dans lequel les institutions publiques n’ont pas de systèmes financiers modernisés envoie un signal contradictoire aux acteurs de la nouvelle économie. C’est la raison pour laquelle tous les acteurs doivent sans attendre se mettre autour de la table et dépasser les vieux clivages. Il n’est dans l’intérêt de personne, et encore moins de l’Europe, de laisser les banques dicter ses réglementations à l’Union Européenne. C’est l’assurance de voir un continent et ses institutions s’enliser dans la poussière face au dynamisme de l’Asie et de l’Amérique du Nord.