Précurseur sur l’utilisation du numérique à l’école, Alexandre Acou, professeur des écoles et initiateur des twittclasses à Paris, a défendu lors de notre MaddyKeynote en janvier l’apport du numérique pour l’apprentissage des savoirs. Oser, tâtonner, tester… les enseignants doivent « apprendre à apprendre ».
Plaider pour l’apport du numérique à l’école n’est pas chose aisée en France où l’on aime opposer les défenseurs de la tradition et les promoteurs de l’innovation. « On constate une polarisation entre les anti-techno attachés au cahier à spirale et aux méthodes classiques et verticales d’apprentissage et les pro-technos qui, à l’instar de la figure de la « Petite Poucette » théorisée par le philosophe et historien Michel Serres, voit l’écolier comme un être mutant », analyse Alexandre Acou, professeur des écoles et initiateur des twittclasses à Paris. Résultat : les débats idéologiques priment sur l’action comme en témoigne l’enquête Profetic qui révèle un fossé entre les avantages qu’offrent les outils digitaux et son utilisation par le corps enseignants. Alors que pour 40% des professeurs sondés, les bénéfices du numérique sont évidents, seuls 16% ont une pratique intégrée au quotidien. La faute au manque d’équipement ? Pour Alexandre Acou, si la question du matériel est importante, elle ne doit pas occulter l’essentiel, à savoir la montée en compétence numérique des enseignants via la formation. « Les éducateurs comme les élèves doivent apprendre à apprendre », commente le pédagogue.
Le pédagogue du XXIe siècle : un guide avant tout
Le professeur voit en effet son rôle redéfini : outre le socle commun de connaissances académiques à transmettre, il doit accompagner les élèves dans le développement d’autres compétences sociales et cognitives clés à l’ère numérique telles que l’autonomie, la coopération, la transversalité, la créativité. « Les compétences collaboratives, interpersonnelles, l’apprentissage de la négociation, le leadership par projet, etc. modifient le rôle du pédagogue, qui évolue vers celui de guide », complète Maud Samagalski, directrice marketing et communication de Hewlett Packard France. Avec Internet, l’information est accessible, partout et tout le temps. L’accès aux savoirs, pré-carré historique de l’enseignant, est caduque. Au devoir de mémorisation et de récitation, succèdent d’autres besoins : être capable de chercher la bonne information, de varier et de qualifier les sources afin de trier le bon grain de l’ivraie.
Reste à libérer les enseignants du carcan hiérarchique. « Si le Ministère porte un discours numérique et si on a beaucoup d’enseignants innovants, on note à l’inverse une forte résistance de la hiérarchie intermédiaire », rapporte Alexandre Acou. Se sentant peu soutenus par les cadres supérieurs de l’Education nationale, les professeurs n’osent pas assez expérimenter de nouvelles pédagogies. C’est pourtant en adaptant des méthodes itératives de « test and learn » que l’on peut « apprendre à apprendre » comme le prouve le guide publié par Alexandra Acou en 2015, « Internet à l'école, lancez-vous ! ». Loin d’être un gadget, l’utilisation de Twitter mobilise l’attention des élèves et modifie le fonctionnement de la classe, plus souple et collaboratif : « Les élèves ont des tâches tournantes à effectuer : il y a un élève qui suit le compte twitter de la classe sur un smartphone, qui va signaler les tweets entrants et taper les tweets rédigés en commun. La classe est divisée en groupes qui alternent des moments où ils travaillent en autonomie et d’autres où ils suivent le cours », explique le pédagogue.
Partir de la culture numérique pour transmettre les savoirs
Consignes en géométrie, texte poétique, jeux grammaticaux… les applications pédagogiques du réseau social de microblogging sont multiples et permettent de travailler autrement les compétences. « La faute d’orthographe et de syntaxe étant proscrite, les élèves ont à cœur de se corriger avant de publier leurs écrits », souligne le professeur des écoles.
Surtout, en partant de la culture des jeunes pour les amener aux savoirs académiques, les twittclasses ou bien encore les blogs de classe valorisent l’élève dans son apprentissage au quotidien et remet le plaisir d’apprendre au cœur de l’éducation. D’un modèle vertical où le professeur dans sa posture de « sachant » délivre un savoir du haut de sa scène à un parterre d’élèves, la salle de classe se transforme progressivement en une scène coopérative où l’élève devient acteur de son apprentissage.