Le départ à l’international est souvent une étape critique dans la vie d’une startup. Cela représente un investissement important, qui implique le départ à l’étranger d’au moins un membre de l’équipe. Quand bien même cela paraît à beaucoup assez attractif, cela peut vite représenter pour la personne concernée une contrainte, a fortiori s’il faut partir avec une famille.
Par ailleurs, les startups françaises ont instinctivement le réflexe de se tourner vers des marchés qu’elles pensent connaître, ou qu’elles croient faciles d’accès, comme les marchés européens, canadiens ou américains.
Pour autant, le monde ne se résume pas au vieux continent, ni à son vis-à-vis nord- américain. Et penser que nos cultures sont si proches qu’il ne nous en coûtera rien de nous installer dans un de ces pays relève plus du biais intellectuel lié à l’histoire de la conquête du continent nord-américain ou à l’image d'une Europe forte, unie, construite depuis la fin de la seconde guerre mondiale, qu’à une réalité. Il n’y a qu’à voir ce que disent toutes les personnes connaissant bien le Québec : les québecois ne sont en rien les cousins des français, ce sont des américains qui parlent français. Par conséquent, ils pensent comme des américains, travaillent, consomment, vivent comme des américains et non comme des français ; la culture américaine est elle-même très différente à bien des égards de la culture française. Et ainsi de suite avec tous les pays qui nous entourent.
Une startup cherchant à se développer à l’international aura donc tendance à faire l’impasse, dans un premier temps, de manière assez naturelle sur un grand nombre de marchés. Et si elle doit faire le choix d’un marché émergent, celui-ci sera bien souvent l’Asie, l’Afrique et l’Amérique du Sud étant complètement laissés de côté.
Avec Strime, nous avons pris le problème en sens inverse. Nous avons profité de mon projet de vie pour nous poser la question de ce développement international. Et parce que j’avais cette volonté d’aller vivre une expérience en Amérique du Sud, nous avons commencé à nous intéresser à ce marché, vers lequel se tournent extrêmement rarement les startups françaises, européennes, et américaines.
Le continent sud-américain est immense. Il est uni par une langue, l’espagnol, bien que le Brésil parle portugais. Cette langue varie plus ou moins selon les pays, un peu à l’image du français qui n’est pas tout à fait le même en France, en Belgique, en Suisse, au Canada, ou en Afrique francophone. Mais cette apparente unicité linguistique en fait un atout pour qui souhaite s’y implanter. C’est également un continent mal connu. Qui parmi vous peut me donner le nom de la deuxième plus grande ville de Colombie ? Quels sont les deux seuls pays à n’avoir pas de littoral en Amérique du Sud ? Quels sont les secteurs d’activité porteurs à Mendoza en Argentine ? Combien d’habitants y a-t-il au Chili ?* Pour la plupart, nous n’en savons rien. Et c’est d’autant plus dommage que ce continent représente 410 millions de personnes, soit environ 6% de la population mondiale. Si certains pays vivent une crise profonde, à l’image du Venezuela, d’autres connaissent une croissance que nos économistes n’osent même plus imaginer pour notre vieille Europe. C’est notamment le cas du Chili qui se trouvait entre 3 et 4% de croissance sur les dernières années.
Loin de l’image d'un pays sous-développé où quelques andins vêtus de ponchos élèvent des lamas, le Chili est un pays très dynamique, doté de belles infrastructures. L’accès à internet y est bon, y compris dans des zones peu peuplées, le réseau routier est très correct, notamment grâce à la panaméricaine qui traverse le pays du sud au nord, il y a de très nombreuses liaisons en car et en avion entre les différentes villes, et le réseau 4G est bon, à tout le moins dans les zones urbaines.
La croissance du pays est portée par l’industrie minière qui représente 10% du PIB de celui- ci. Pour autant, le gouvernement est conscient que d’ici 20 à 30 ans les ressources seront épuisées et qu’il faut dès à présent investir dans d’autres secteurs d’activité pour être moins dépendant des mines. C’est ainsi qu’il a décidé il y a 7 ans de créer le programme Start-Up Chile, afin de développer dans le pays une culture entrepreneuriale, de créer un écosystème favorable aux startups et d’attirer des talents venant de l’étranger.
7 ans plus tard, chaque génération de Start-Up Chile (il y en a deux par an dans le programme Seed, qui est le programme principal) se compose d’une petite centaine de projets sélectionnés parmi environ 1200 dossiers. Chaque startup se voit fournir un visa de travail, un budget 20 millions de pesos chiliens, ce qui représente environ 26.000€, ainsi que de nombreux autres avantages. Le programme dure 6 mois et permet aux participants d’accélérer le développement de leur entreprise.
Le Chili mène donc une politique très ambitieuse pour attirer des savoir-faire au sein du pays, et pour y développer une culture entrepreneuriale. Mais ce qui rend cette initiative particulièrement intéressante, ce sont les opportunités qui existent sur place. Il est en effet extrêmement simple de créer une activité au Chili, et il y a malgré tout encore beaucoup à faire pour améliorer le quotidien des gens, particulièrement si votre projet a une portée sociale. Le pays est en effet le pays d’Amérique du Sud avec le Brésil a avoir le plus fort taux d’inégalités.
La géographie du pays, très étirée sur plus de 4.000 km du nord au sud, avec des climats très différents, représente par ailleurs un vrai challenge au quotidien, mais celui-ci est vecteur d’opportunités, notamment pour les porteurs de projet évoluant dans les secteurs des transports, des communications ou de l’agriculture par exemple.
Enfin, le dynamisme chilien est également soutenu par des secteurs d’activités comme le tourisme ou la viticulture. Le fait que Valparaíso soit classée au patrimoine mondiale de l’Unesco, et la présence sur son territoire de régions telles que la Patagonie ou le désert d’Atacama en fond une destination de choix pour les personnes voyageant en Amérique du sud. C’est également un pays réputé pour la qualité de son ciel et les possibilités d’observations des étoiles. Le vin chilien est quand à lui en plein essor, avec une explosion des exportations et une grande amélioration de la qualité de celui-ci.
Si ces deux secteurs d’activités sont riches en projets innovants dans nos contrées, il n’en est pas forcément de même ici, et il y a fort à parier et que bon nombre d’entrepreneurs français pourraient y trouver des débouchés.
Une fois implanté au Chili, plus rien ne vous empêche de vous étendre sur ce territoire immense qu’est l’Amérique du Sud. Et pendant que vos concurrents s’écharpent aux Etats- Unis ou en Europe, vous avez la possibilité de développer sereinement votre activité sur un autre marché.
C’est en tout cas le pari que nous faisons avec Strime. Strime est une plateforme de suivi et de validation de projets vidéos. Si notre marché historique est le marché français, et que nous continuerons à être leader dans notre secteur sur celui-ci, nous souhaitons également profiter de l’opportunité qui nous était donnée avec mon installation à Valparaíso de nous développer sur un marché auquel nous n’aurions pas pensé initialement et qui dispose pourtant de bien des atouts.
*Réponses aux questions : Medellin. Le Paraguay et la Bolivie. L’industrie pétrolière et le tourisme devant la production de vin. Pas loi.