L’accélérateur Start’inPost a profité du Lab Postal, évènement annuel du groupe La Poste, pour donner la parole à deux entrepreneurs qui ont fait le choix de revendre leur startup à une société étrangère : Dominique Leca (Sparrow, revendue à Google en 2012) et Antoine Garnier-Castellane (breaz.io, revendue à Hired en 2015).
Avec un format court qui s'inscrivait parfaitement dans le programme de deux jours du Lab Postal 2017, la table ronde « J’ai revendu ma startup à une entreprise étrangère » organisée en partenariat avec Pitchmystartup, par Start’inPost a réussi son pari : mettre en avant des entrepreneurs de renom par le prisme d’un sujet encore trop peu abordé : la revente de startups, et ce notamment sur le marché américain.
Et rien de mieux pour en parler que deux entrepreneurs français ayant vécu récemment l’expérience sur le terrain, au plus près des Américains, et avec une caractéristique de taille qui les lie : leurs deux startups - Sparrow mail et breaz.io - ont été rachetées moins de deux ans après leur création.
La satisfaction d’avoir revendu
Les deux histoires sont différentes mais la satisfaction d’avoir vendu reste la même. Pour Dominique Leca, qui a revendu sa startup Sparrow Mail au géant américain Google en 2012, la décision était aussi imprévue qu’évidente. D’abord approché par les équipes de Facebook pour faire évoluer Messenger, c’est finalement le projet proposé par les équipes de Gmail qui l’a séduit.
“ Ce n’était pas une ambition en soi. Mais à l’époque, nous étions une des premières startups françaises approchée par Google pour un rachat, c’était fou ! Puis j’étais arrivé au bout de la route, la boîte fonctionnait bien, nous étions largement rentables, et je ne me voyais pas continuer des années sur un produit qui ne me faisait pas tant rêver que cela ”
Dominique Leca, cofondateur de Sparrow mail
Pour Antoine Garnier-Castellane, l’un des quatre fondateurs de breaz.io, ce fut une toute autre histoire. La décision de revendre la startup a été prise à partir du moment où ils ont rencontré les équipes de Hired, et où ils ont réalisé qu’ils avaient envie de passer à autre chose, et non repartir dans une nouvelle course à la levée de fonds. “ C’était une opportunité à laquelle nous n’avions pas forcément réfléchi avant. Et même si revendre, c’était aussi abandonner une partie de notre rêve, de notre liberté et de notre autonomie, il y avait une sorte de magie autour des Américains qui nous a permis de vivre un nouveau rêve ”, précise Antoine Garnier-Castellane.
L’aventure dans l’aventure
Pour Dominique Leca, ce nouveau rêve avait tout de même un prix : celui de la perte d’agilité, de créativité et de productivité. Chez Google, tout lui semble extrêmement lourd et fastidieux à mettre en place. “Au début, quand je suis arrivé, c’était pire que l’administration française pour moi ! J’ai très rapidement compris que mes idées ne plairaient pas, et qu’il fallait adhérer à leurs jeux d’influence politique pour s’intégrer. Il y avait en fait très peu de place pour que les projets sortent du cadre : ingénierie, objectifs, KPIs etc.”.
À contrario, les équipes se breaz.io n’ont pas vraiment vu la différence lorsqu’elles ont intégré Hired. Ils ont continué à faire vivre leur business comme ils en avaient l’habitude, mais avec beaucoup plus de moyens.
“ Nous avons eu de la chance. Avec Hired, tout s’est très bien passé depuis le début. Nous avons juste dû leur expliquer que le business en France n’était pas le même qu’à San Francisco, et gagner leur confiance sur ce point. Ils l’ont accepté et cela nous a permis d’opérer des changements profonds depuis deux mois ”
Antoine Garnier-Castellane
Les Américains, un mythe bien entretenu
Que ce soit pour celui qui a accueilli les Américains en France, Antoine Garnier-Castellane, ou pour celui qui les a directement rejoints au siège, Dominique Leca, il n’y a aucune raison de penser que les Américains sont plus forts que les autres. Bien au contraire. “Nous n’avons pas à rougir de nos entrepreneurs ! Il y a un vrai mythe qui entoure les Américains autour de l’innovation et de la technologie, alors que nos ingénieurs sont tout aussi intelligents et performants. Souvent, c’est surtout qu’ils ont plus de moyens et donc la capacité d’aller plus vite que nous”, lance Antoine Garnier-Castellane.
D’après Dominique Leca, s’ils sont plus forts, c’est surtout grâce à leurs compétences en politique, en communication et en financement. Ils ont aussi pour eux la rage et l’ambition à l’américaine, mais leur productivité au travail n’est d’après lui pas aussi exemplaire qu’on peut le penser.
“ La conclusion que j’en tire, sauf exception, c’est de ne jamais recruter un Googler, car il s’est habitué à des niveaux de prestation impossible à tenir ailleurs. Les équipes veulent être dédommagées de leur vie mais ne sont pas pour autant les plus productives et engagées ”
Dominique Leca
Et si c’était à refaire ?
Pour l’un comme pour l’autre, aucune hésitation : si c’était à refaire, ils ne changeraient rien.
Pour l’expérience surtout, mais aussi pour l’ouverture sur le monde que cela leur a apporté, et pour les nouvelles compétences qui leur serviront probablement pour la suite … Pour Dominique Leca, cela a aussi été un bon moyen « de faire la paix avec Google, et d’arrêter de l’idéaliser ». À bon entendeur !