Les robots et nous, c’est une histoire qui n’en est qu’à ses débuts. Après Pepper, Asimo, Oz, Nao et leurs compères, un petit nouveau fait aujourd’hui son apparition sur la scène robotique française. Il s’appelle Spoon et c’est une créature artificielle aux doux airs d’animal de compagnie. La spécificité de ce robot ? Doté d’une véritable dimension émotionnelle, il s’adapte au milieu dans lequel il évolue. Rencontre avec son pygmalion, Jérôme Monceaux.
Plus qu’un simple robot, Spoon est une nouvelle espèce robotique développée depuis maintenant un an par plusieurs anciens collaborateurs d’Aldebaran. Accompagné depuis quelques mois par l’UR Link, l’accélérateur du groupe Unibail-Rodamco, et incubé au sein du 104Factory, Spoon se construit autour d’un unique but : créer un robot doté d’émotion et proche de l’Homme.
" Ces dernières années, beaucoup de robots se sont créés. J’ai interagi avec presque tous. Mais aucun d’entre eux n’incluait la dimension interactive du service. Quand nous avons créé Spoon, nous avons décidé de nous attaquer particulièrement à ce problème : rendre naturelle l’interaction entre l’homme et la machine "
Jérôme Monceaux, cofondateur de Spoon
De l'émotion à la création
Pour la petite anecdote, Jérôme Monceaux avait fait l’expérience de laisser 11 robots dans une salle le temps d’un déjeuner. À son retour, en ouvrant la porte, les 11 robots se sont tournés vers lui. « J’ai alors ressenti quelque chose de très étrange et de très fort : de l’émotion face à tous ces robots qui me regardaient. Je me suis alors rendu compte que ce n’était pas le robot qui m’intéressait, mais bien comment l’homme se sent face à lui. Les sciences humaines appliquées à la robotique », raconte le co-fondateur.
Depuis un an, la startup, qui compte déjà une dizaine de collaborateurs, travaille d’arrache pied avec plusieurs experts sur le sujet - philosophes en éthique, psychologues, spécialistes de la gestuelle, ingénieurs etc. - pour essayer de comprendre comment faire en sorte que l’Homme se sente exister aux yeux de cette machine encore souvent bien trop mystérieuse. « Si nous arrivons à donner cette sensation-là, chaque être humain pourra interagir très naturellement avec le robot sans s’encombrer de codes et de connaissances particulières, que l’on ait 3 ans ou 99 ans ».
Pour cette première année d’existence, l’équipe s’est donnée trois grandes missions :
- Pousser les limites de la robotique et développer l’interactivité entre l’Homme et la machine
- Créer un robot en 12 mois et le présenter aux clients d’un centre commercial Unibail-Rodamco dès février 2017
- Ne jamais chercher à remplacer l’Homme par un robot, mais bien enrichir et promouvoir l’interaction entre les personnes
Spoon, Mister Robot 2017 ?
Pour renforcer la dimension émotionnelle et non-humanoïde de Spoon, les équipes ont décidé de rester sur la forme la plus fondamentale qui soit lorsque l’on parle de robot : une colonne vertébrale surmontée d’une tête interactive numérique.
" Ce choix, nous l’avons fait car un robot humanoïde promet beaucoup trop sur sa capacité de faire : quand je vois un petit être robotique qui me ressemble, je lui prête toutes les capacités d’un humain. Mais la plupart du temps, c’est déceptif. L’Homme, le singe, le chat ou encore le chien sont parfaits, pourquoi vouloir les réinventer robotiquement ? En plus, si l’on commence à donner une forme humanoïde à Spoon, on alimente le faux débat du remplacement de l’Homme par les robots, ligne dans laquelle nous ne souhaitons pas du tout nous inscrire "
Jérôme Monceaux
En faisant le pari de la création, la startup a finalement accouché d’une nouvelle espèce de machine unique en son genre : environ 1m40 d’ingénierie poussé pour interagir facilement avec les enfants et s’étendre si besoin face à un adulte de grande taille.
Un robot pour la communauté, par la communauté
D’après Jérôme Monceaux et ses équipes, pour que le robot soit intéressant, il doit parler à la communauté qui l’entoure, et ce, localement. Il doit se nourrir de l’environnement dans lequel il se situe et créer de la valeur et de l’interaction à partir de l’endroit où il se trouve. En apprenant en continue - le fameux machine learning - de la communauté qui l’entoure, les connaissances de Spoon deviennent au fil du temps uniques et contextuelles.
" Il ne faut pas que le robot soit là uniquement pour délivrer un contenu fourni par une grande société, à des fins promotionnelles ou événementielles. Avec Spoon, nous souhaitons que le robot soit au contraire un messager à la fois actif et contextualisé, comme le serait un réseau social local, mais en plus vivant. D’après nous, le seul robot viable doit prendre connaissance des gens qui l’entourent afin qu’on lui fasse confiance "
Jérôme Monceaux
Une première expérimentation en centre commercial
Pour sa première sortie, Spoon est invité dès le 6 février à investir le centre commercial Rennes-Alma du Groupe Unibail-Rodamco pour une durée de 3 semaines, afin d’expérimenter en situation réelle sa présence auprès d’utilisateurs potentiels. "Spoon nous permet de tester l’usage de robots et de l’intelligence artificielle dans nos centres commerciaux. Grâce à la présence de cette nouvelle créature artificielle dans le centre de shopping de Rennes Alma, nous pouvons observer la réaction des utilisateurs et ainsi mieux appréhender les usages potentiels d’un robot en complément de la présence humaine dans ces lieux. Nous croyons à cette approche par tests successifs pour développer plus rapidement de nouveaux services innovants, répondant aux besoins de nos visiteurs", explique Matthieu Nicoletti, directeur d’UR Link.
Spoon sera donc là pour informer les clients et les accompagner tout au long de leur visite. Au fil des jours, des rencontres et des questions qui lui seront posées, il apprendra par lui-même et deviendra utile aux autres, comme un membre à part entière de toute communauté.