« On n’a pas cherché à construire un bureau ouvert, mais une culture ouverte et notre espace de travail n’en est que le reflet », expliquait - lors de la dernière conférence USI 2016 - l’entrepreneur libéré Richard Sheridan, fondateur de la société d’informatique Menlo Innovations et auteur de « Joy Inc. How We Built a Workplace People Love ». Le bureau de demain inviterait ainsi à de nouvelles représentations de l’environnement de travail. Et un leitmotiv semble gagner les esprits : créer des lieux ouverts sur la ville et dans leurs process pour donner accès à la connaissance et aux synergies.

Après l’avoir inspiré, c’est à l’univers du web que le bureau emprunte aujourd’hui ses métaphores pour se transformer en structure complexe (réseautique) capable de provoquer sérendipité et initier une forme de nouveau « droit sur la ville ». Écosystème étendu, le bureau devient alors cette nouvelle « fonction Find » des entreprises qui cherchent à capter une génération de travailleurs créatifs. "Open Office", "Smart", plateforme de services... le bureau propose son ensemble de solutions pour défier un âge où le statut de la connaissance devient la condition générale de développement. Face à ce nouveau paradigme des espaces du travail, quelles approches retenir pour une culture de l’innovation en entreprise ? Pour Raphaël Besson, économiste, urbaniste et directeur de Villes Innovations : il s’agit de faire le pari du nouveau paradigme économique des tiers-lieux. Pour Bernard Michel, Président du conseil d’administration de la foncière Gecina, il s’agit de dépasser le lieu pour permettre la vraie fluidité de service et ainsi investir l’espace public des villes. Entretien croisé.

Le paradigme des tiers-lieux 

 

" Aujourd’hui, on a l’impression que l’on redécouvre que l'économie ne fonctionne pas seulement avec le système de monétisation "

Raphaël Besson

Avec l’arrivée de la nouvelle économie, la communauté des utilisateurs crée de la valeur. Véritable « vivier » en termes de ressources externalisées, un modèle en est ressorti au niveau urbain, celui des « systèmes urbains cognitifs ». Recouvrant plusieurs formes (quartiers de la création, de l’innovation, cyberdistricts…), il vise à attirer les talents, tout en jouant un rôle actif dans la production d’innovations. A Barcelone, on citera par exemple, le projet de régénération urbaine de district 22@Barcelona. Appartenant à une première typologie d’espaces, ce modèle tente d’optimiser la ville par les technologies et repose sur un « modèle d’innovation diffusionniste ». Cependant trop techno-centrée, cette catégorie d’espace a rencontré certaines critiques de la part de chercheurs (tel que les thèses de Richard Florida, géographe et professeur en urban studies nord-américain et co-fondateur de CityLab portant sur la « classe créative » venant ainsi renforcer l’apparition de « villages urbains ») car provoquant des externalités sociales négatives comme le phénomène de gentrification. En parallèle s'est également développé une nouvelle forme d'innovation urbaine de l’espace, celle des tiers-lieux. Moins diffusionniste et surtout interactionniste : les tiers lieux permettent une prise de conscience de l’importance de l'innovation sociale. On parle ainsi de pôle d’innovation interactionniste.

Pour une entreprise, s’inspirer de ce modèle, c’est  ainsi pouvoir dépasser l’approche exclusive technologique de la dimension créative et éviter l’écueil  du laboratoire-vitrine. C’est aussi proposer des prestations de services, et investir l'espace public des villes.

Alors, extension du domaine du « bureau » ?

Il s’agit en effet pour l’entreprise de demain de non seulement intégrer des systèmes de management capables d'attirer le capital humain - comme le télétravail -  mais aussi de s'affirmer davantage comme une plateforme de mise en réseau avec une politique de gestion temporaire des espaces vacants et d’appels à projets ouverts. Les espaces satellites des entreprises doivent aussi pouvoir permettre d’expérimenter un nouveau « droit à l'infrastructure de la ville ».

C’est se rapprocher de la logique des « communs urbains » et d’une socialisation des innovations. Pour les acteurs de la ville et de l’immobilier, c’est par exemple se tourner vers la technologie de la blockchain de l'énergie. Récemment initiée dans le quartier de Lyon Confluence, ce service permet une gestion indépendante et collaborative de la consommation d’énergie.

Pas de ville intelligente sans smart office

"Le challenge est en effet de penser les espaces comme des « hubs tertiaires »", précise Bernard Michel, et donc tournés sur la ville. Il s’agit d’intégrer l’usager au « système urbain » et donc de faciliter son parcours de citadin pris dans un environnement de plus de en plus complexe (circulation, densification, numérisation...).

" Les bureaux deviennent des outils stratégiques pour organiser son parcours de vie "

Bernard Michel

Car modernes et centrés sur l’expérience utilisateur, le bureau investit l’espace public des villes. Ce sont par exemple les services de gestion partagée de places de parkings (comme le partenariat Gecina / Indigo), de coworking (comme le partenariat Gecina / Paris&Co), d’accès à la culture comme avec la récente signature de la charte « Un immeuble, Une œuvre ».

Pour des projets comme SKY 56 porté par la Métropole de Lyon, Gecina développe ainsi un espace de 3000 m2 consacré aux services. Sur les 30 700 m2 de surface ce sont également des crèches, aménagements de rooftop et activités commerciales et culturelles à imaginer. Il faut en effet anticiper le rôle central qu’aura de plus en plus le secteur immobilier – et notamment tertiaire - dans la gestion de la ville intelligente.

" Il est difficile d’imaginer aujourd’hui la smart city sans le smart building "

Bernard Michel

Rappelons que l’immobilier, c’est 43% des consommations d’énergie. Ainsi en travaillant sur la performance des bâtiments, la santé et le bien-être des salariés, l’immobilier de bureau accompagne la stratégie de développement durable et connectée de la ville. La mission du secteur tertiaire devient donc plus large et inclusive. Il s’agit d’embarquer les utilisateurs dans des démarches de gestion responsable. Le label Well, qui place l'humain au centre du projet immobilier, est une démarche intéressante pour valoriser cette dimension. C’est en effet réussir le pari d’une smart city fonctionnelle et humaine, où optimisation des coûts de gestion, interopérabilité des solutions technologies et services aux usagers et collaboration entre les acteurs sont rendus possibles.

Maddyness, partenaire média de Gecina