Lancée en 2013, la startup Krak s'est développée autour de la thématique du skate. Avec une communauté répartie dans le monde entier, Krak vient proposer un nouveau produit conçu sur-mesure pour ses membres : une box qui reprend le meilleur de l'univers du skate (goodies, actualités, produits...) et qui cible un marché de niche. Retour sur cette aventure entrepreneuriale avec Kevin Straszburger, son fondateur.
Depuis votre passage au NUMA, quel a été le parcours de Krak ?
On est entré au NUMA via Le Camping à la toute fin de l’année 2013. Pas mal de choses se sont passées depuis, en effet. Dans la foulée, on a passé quelques mois à Londres avec Seedcamp puis on est parti s'installer à Los Angeles en Avril 2014. On est revenu en Europe début 2015 en passant quelques mois à Barcelone puis Berlin. On est aujourd'hui toujours à Berlin et on s'apprête à repartir en vadrouille d'ici la fin de l'année.
Globalement, je dirais que Krak a muri. On reste d’éternels ados sur beaucoup de points (d'où notre passion pour le skate d'ailleurs) mais sur le plan pro, nous sommes devenus adultes (comprendre : on sait beaucoup plus ce que l'on veut). Et en un mot "entrepreneurial" ce serait : la longévité !
Le parcours de la startup depuis fin 2013 reflète surtout cela donc. On a pris le temps de constituer une vrai "core team" de passionnés, alignés dans leur vision, leurs valeurs et surtout - et j'insiste fortement sur ce point là - avec beaucoup de confiance les uns envers les autres et littéralement aucun ego entre nous. C'est extrêmement important et comme toutes relations humaines qu'on veut voir durer et bien, ça prend pas mal de temps à la base.
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Au-delà de l’équipe, on a aussi pu beaucoup expérimenter et aller sans cesse au devant de notre communauté. Cela nous a permis de mûrir notre produit. Le résultat business étant ce "product/market fit", cher à tous les entrepreneurs. D'un positionnement mono-produit un peu déconnecté de la réalité de notre communauté, nous sommes devenus une suite d'outils au service du skater. Notre mission est simple: permettre à tous les skaters du monde entier de vivre encore plus fort et plus à fond leur passion.
Quels sont les principaux chiffres du marché dans le monde ?
Les chiffres manquent dans le domaine. La raison principale étant la certaine "jeunesse" du secteur (le skate n'a réellement commencé à se developper que depuis les années 70) ajouté à cela, le fait qu'on parle d'une culture underground à la base. Donc c'est clair que les Nielsen & Cie ne se sont pas pas tellement penchés sur nous.
Ceci étant dit, on peut peindre certaines tendances et on a les ordres de grandeur. On parle de plusieurs dizaines de millions de skaters dans le monde aujourd'hui ; on était 10 fois moins en 2002 d'ailleurs. Parmi eux, 30 millions sont considérés comme des street-skaters actifs. Tous les mots sont importants ici donc je vais expliciter la chose :
- street-skaters = on ne parle pas des longboards et cruisers ici - uniquement les mecs sur une board de type 'street' qui sont en train de faire des tricks - pour les parisiens je vous encourage à aller faire un tour Place de la République et vous verrez qui sont les skaters exactement.
- actifs = ils sortent leur board au moins une fois par semaine.
La moitié d'entre eux sont aux US. Il faut savoir que là-bas, le skate est déjà dans le top 3 des activités les plus populaires chez les moins de 18 ans. 85% des skaters dans le monde d'ailleurs ont moins de 20 ans. Et c'est encore (malheureusement) une pratique très très masculine ; on parle de 95% des skaters dans le monde qui sont des garçons.
L’épicentre géographique est donc encore très largement les US (avec un épicentre culturel et historique encore en Californie du Sud - toute la côte de LA à San Diego), vient ensuite l'Europe (occidentale majoritairement, Allemagne et Angleterre en tête, la France n'arrive que troisième puis enfin l'Espagne) puis le reste du monde (Japon en tête).
En termes de tendance en revanche, c'est au Brésil puis en Chine et en Indonésie que l'on gagne le plus de "nouveaux skaters" à la journée. Bon, il faut aussi dire que la Chine et l'Indonésie ont découvert le domaine il y a peu.
Cela représente aujourd'hui un marché en forte croissance de plusieurs milliards d'euros par an. Et ce n'est pas la nouvelle officielle de l'intégration du skateboard aux prochains JO 2020 de Tokyo qui va inverser ou même ralentir cette tendance, bien au contraire. En tenant compte des chiffres expliqués au-dessus, on comprend même que le skate à Tokyo risque de donner un énorme coup de pouce à la pratique dans tous les pays asiatiques.
Quelles sont les valeurs que vous souhaitez diffuser à votre communauté avec vos produits ?
Déjà, on partage une même passion pour le skate. Ca parait anodin, ou évident sûrement, mais c'est un point important. Aussi la première chose que l'on permet via nos produits est une immersion, une plongée dans le monde du skate, sa culture, son histoire et j'en passe.
Ensuite, dans tout ce qu'on fait, on veut diffuser une forme de bonne humeur, de la joie, de la légèreté aussi. Le skate doit rester fun, on ne vit qu’une fois - donc autant en profiter et se marrer un coup non ? Derrière, on essaie de diffuser une certaine ouverture d'esprit, de la curiosité, l'envie de bouger, de voyager, de découvrir etc.
Pourquoi avoir opté pour le modèle de box ? N'est-il pas dépassé ?
Le modèle de box est tout sauf vieux dans le monde du skate. Au contraire, lorsqu'on envoyait notre première KrakBox aux US (en avril 2015) nous étions les tout premiers. Se demander si la box est un modèle 'trop vieux' en soit est une question que l'on ne s'est jamais posée - et à vrai dire elle ne nous parait pas pertinente.
Non, à vrai dire, la seule qui vaille pour nous serait la suivante: le modèle de box a-t-il du sens dans le monde du skate? Apporte-t-il assez de valeur à tous les acteurs du secteur? Est-il assez sexy ou intéressant pour les skaters eux-mêmes?
Et la réponse ici est évidente, d'autant plus pour nous aujourd'hui puisqu'on peut défendre cette position de manière objective, autrement dit avec nos propres chiffres: c'est un grand OUI.
Et à partir du moment où un modèle, quel qu'il soit, apporte de la valeur à ta communauté ainsi qu’à tous les acteurs de ton marché, pourquoi s’en priver ? Voila pourquoi on a opté pour le modèle de box. Les skateurs ont une folle envie d'en découvrir toujours plus dans leur culture. Il ne faut pas oublier qu'on parle massivement ici de jeunes de moins de 20 ans, ils sont extrêmement curieux, pleins d’énergie, ont une vraie attirance pour la nouveauté, l’originalité et j'en passe. La box surprise qui débarque chez eux est une vraie expérience réjouissante.
Et puis, des box à destination des adolescents, il n'y en a pas tant que ça non plus. La plupart des applications jusqu’à aujourd'hui, touchait d'abord les adultes CSP+, femmes pour commencer puis hommes etc. La KrakBox, avec un tel public, rend aussi beaucoup de services aux parents. Clairement, on peut devenir le cadeau idéal de tous les parents qui ont un skater à la maison et ne savent pas tellement comment lui faire plaisir.
Donc un modèle "dépassé" ? Non. Les avantages sont nombreux, en faire la liste serait peut-être un peu long. Mais si je devais n'en citer qu'un : la récurrence. En fait, avec ce modèle de box, quand tu fais bien ton travail, tu crées une vraie relation, privilégiée, avec ta communauté. Tu envoies quelque chose de physique chez eux tous les X du mois (tous les 2 mois dans notre cas). Et ça, c'est un vrai plaisir, on a l'impression de grandir avec eux.
Il n'y a pas vraiment d’inconvénients à proprement parler, uniquement des challenges. Et le principal serait l'aspect cyclique des choses. Au début, c'est dur de trouver le bon rythme et tu as intérêt à te projeter très vite, à comprendre que tu ne travailles pas seulement pour ta prochaine box, mais pour les deux prochaines, puis les trois suivantes, les six, etc. C'est le seul moyen de pouvoir mettre en place des choses inédites, innovantes, qui en général prennent un peu de temps et que tu ne peux donc pas te permettre si tu restes enfermé dans un travail 'mensuel' ou 'bi-mensuel'.
Quels sont les outils que vous avez utilisé pour automatiser au mieux ce business ?
Bonne question. Un gros plus déjà est qu'on a pu utiliser un site relativement récent (aux US) qu'on pourrait comparer - pour nous français - à un Prestashop de la box par abonnement. Ca s'appelle Cratejoy. Le paiement est géré par Stripe.
Derrière, on utilise une batterie d'outils communs à des e-commerçants plus 'classiques' je dirais, comme Mailchimp ou Typeform par exemple.
Et enfin, le gros enjeux pour nous était la logistique (on reçoit continuellement des produits venus d'un peu partout et on envoie des box tous les 2 mois dans pas mal de pays maintenant). À ce niveau là, on a fait le choix dès le premier jour d'externaliser, pour pouvoir investir dans une relation long-terme avec des gens qui ne cligneront pas des yeux quand tu auras 50 000 boites à envoyer tous les 2 mois (si c’était à la mano, à la maison, ce ne serait pas la même histoire). On a donc un partenaire logistique aux US et un en France, Wing, qui est basé à côté de Paris d'ailleurs.
Avec tous ces outils, on peut se concentrer sur le plus important, notre métier en soit : créer les meilleurs mix possibles pour les skaters, et bichonner notre communauté, prendre soin d'elle et entretenir cette relation bien spéciale.