La série des salons des entrepreneurs va bientôt reprendre partout en France avec, à la clef, de nombreuses conférences sur les bonnes pratiques en matière de gestion, de financement, d’utilisation des outils numériques, de marketing /webmarketing, de management, d’articulation " vie professionnelle - vie privée " ou encore de gestion du stress, sans oublier les temps de networking. Mais rien sur " comment construire / faire évoluer sa vision stratégique ", rien non plus sur " comment la transposer dans le business plan ", rien enfin sur " comment la piloter ".
Or ces points sont critiques pour toute entreprise qui veut réussir et inscrire son développement dans le moyen et long terme, a fortiori pour les startups confrontées à l’hypercroissance. Ces entreprises fascinent, interpellent, enthousiasment. Pourtant Michel Coster, directeur de l'incubateur d'EMLyon, rappelait en juillet dernier qu’ " à force de multiplier les excès de vitesse, 15 à 20% d'entre elles subiraient une sortie de route prématurée ". Savoir gérer un développement d’activité accéléré sur des marchés où tout va à 300 à l’heure, y compris les prises de décision, ça change tout. Et beaucoup de startupers ont vraiment besoin d’être sensibilisés à ces sujets et épaulés dans leur gestion au quotidien.
Trop d’entre eux pêchent par manque de connaissance, de préparation et d’anticipation de ce qui se passe en situation d’hypercroissance. L’explosion du nombre de collaborateurs demande de repenser les relations, avec une autre posture attendue de la part du fondateur. Les levées de fonds imposent une gestion très maîtrisée et prudente de la trésorerie et du BFR en ne perdant jamais de vue le coût de production réel, ce qui requiert de s’affranchir de l’impression que " les classes sont pleines ", surtout après l’obtention du capital. L’adaptation de l’organisation interne est indispensable pour passer à une étape d’industrialisation de la production, qu’il s’agisse de produits ou de services. La maturité des dirigeants sur des sujets comme ceux-là est déterminante. Faute de quoi le redressement judiciaire, sinon le dépôt de bilan ne seront jamais loin. La triste aventure de Save en juillet 2016 est là pour le rappeler, ainsi que le racontait son fondateur cet été.
Pour qu’un projet d’entreprise devienne un projet d’avenir et rencontre le succès sur son marché, il faut que son dirigeant dispose de trois compétences-clés :
1. Savoir définir une stratégie de développement à moyen terme, projeter son entreprise dans une vision – ce que doit devenir l’entreprise, les enjeux de demain qu’elle couvrira, etc. ;
2. Savoir concilier l’agilité et l’inventivité des startups avec la structuration et la rigueur des processus qui font la force des grandes entreprises ;
3. enfin et surtout, savoir s’entourer de personnes qui auront les compétences que le dirigeant lui-même n’a pas, notamment sur les deux premiers points. Imaginer qu’à 25 ou 30 ans, on a tout le bagage requis pour faire " surperformer " son entreprise est un leurre. La richesse de l’expérience acquise sur le terrain en matière de création et de développement stratégique d’entreprise, échec compris, sera un plus indéniable.
On pourrait tout à fait imaginer notre startuper avide de succès en train de créer un tout nouveau poste : le Chief Industrialization Officer (CIndO). Ce dernier aurait pour mission de transposer à une échelle industrielle la vision que défend le startuper et l’offre qu’il développe pour répondre à l’un des enjeux du marché sur lequel il s’est positionné.
Quel profil privilégier ce poste ? Une personne expérimentée, ayant déjà été confrontée au management stratégique d’entreprise, et si possible avec un passé d’entrepreneur/-neuse. Ce parcours lui confère le recul et l’analyse nécessaires pour réconcilier vision, organisation et opérations. Elle aurait une double culture agilité/processus, avec une expérience à la fois de la croissance et de la décroissance, lui permettant de savoir prendre les bonnes décisions et adapter l’entreprise à chaque phase de son développement.
Un nouveau défi pour des entreprises ? Certainement car, selon la 5ème édition du baromètre EY/France Digital d’octobre 2016 sur les performances économiques et sociales des startups du numérique en France, elles estiment que la recherche de talents est le principal frein à leur croissance. Mais un défi qui sera gage de succès pour celles qui auront fait ce choix. En attendant, elles pourront s’informer sur les bonnes pratiques de la gestion de l’hypercroissance – mais en allant ailleurs que dans les traditionnels salons…