La ville de demain est un concept abscons pour la plupart des individus. 1 Français sur 2 ne saurait ainsi pas ce qui se cache derrière l’expression « smart city ». Comme l’ont souligné à juste titre les intervenants du MaddyTalk mercredi 12 octobre, la ville intelligente recouvre beaucoup de notions différentes : on parle ainsi aussi bien d’énergie, que d’habitat, de transport, de consommation, d’objets connectés, de data, d’équipement… Bref la ville de demain se dessine aussi bien dans les foyers qu’à l’extérieur. Mais pour Maureen Le Baud, directrice d'investissement chez Demeter Partners, un fonds spécialisé dans la transition énergétique et environnementale, au-delà de ces considérations, la ville intelligente est surtout « une équation à résoudre : 70% des émissions de CO2 viennent des villes, le monde du bâtiment consomme 40% de l’énergie finale, les infrastructures et les ressources sont limitées et les villes voient leur budget se réduire. »
Mutualisation et optimisation de l'énergie
Dans ce contexte, la ville de demain serait donc comment faire mieux avec moins. Et quoi de plus important pour les villes que l'optimisation énergétique ? « Le premier smart grid français va voir le jour, le but est de mutualiser l’énergie entre les bureaux et les habitations, explique ainsi Virginie Alonzi, directrice de la prospective chez Bouygues Construction. Il faut optimiser la distribution, la consommation, ainsi que le stockage de l’énergie. » Déjà aujourd’hui, certaines habitations peuvent être alimentées en énergie par la chaleur des serveurs des bureaux qui se trouvent dans leur bâtiment (grâce à Stimergy notamment). Demain, l’énergie pourra transiter d’un bâtiment qui en produit beaucoup à un bâtiment qui en consomme beaucoup. « On passe à un monde complètement décentralisé et c’est une vraie rupture énergétique qui est en train de se jouer », confirme Maureen Le Baud. « Il y a une notion d’ « on demand » derrière la ville intelligente », ajoute Philippe Baptiste, directeur de la R&D de Total, il va falloir être capable de répondre très rapidement à des besoins et pour cela il faut que la ville connaisse ses besoins. Cette ville de demain va donc également se construire autour des données. La ville sera plus économe en ressources car elle pourra mesurer l’énergie dont elle a besoin pour fonctionner et mieux optimiser ses approvisionnements »
Au-delà d’une révolution technologique qui fait la part belle à la data, la smart city prône également un retour à la nature. L’éco-conception sera reine, avec des matériaux durables, comme le bois, des matières isolantes naturelles et des espaces modulables, conçus pour s’adapter à l’évolution des modes de vie. Les quartiers verts seront privilégiés et l’énergie solaire sera reine. Mais au-delà de ce que l’on connaît actuellement, les sources d’énergie pourraient bien être des plus inattendues. Et si demain, les villes n’étaient éclairées que grâce à des organismes vivants ? C’est le pari de Glowee, une jeune pousse qui travaille sur la bioluminescence et le biomimétisme. « C’est la mer qui nous éclaire », explique la startup. Son concept : la bioluminescence est la propriété qu’ont certains organismes vivants à produire de la lumière, comme la luciole ou le calamar. Grâce à ses recherches, Glowee est capable de permettre à des bactéries de développer cette bioluminescence. Plongées dans une coque aux côtés d’une solution nutritive , ces bactéries peuvent produire de la lumière en continu. La lumière biologique pourrait ainsi demain permettre d’éclairer les villes sans consommer d'électricité, et en émettant peu de pollution lumineuse et de CO2.
Citoyens et pouvoirs publics main dans la main ?
Si les luminaires sont énergivores, l’autre problème des villes reste la circulation. Véritable cheval de la bataille de la maire de Paris qui veut davantage piétonniser la capitale, les transports changent de visage : électriques, collaboratifs et même autonomes ! Depuis la rentrée, Navly, une navette autonome -d’abord utilisée sur circuit fermé tels que les usines ou les campus d’entreprises-, produite par la startup Navya, est au cœur d’une expérimentation de la ville de Lyon, dans le nouveau quartier de Confluence. « Nous sommes convaincus que le véhicule autonome sera une réponse à l’équation évoqué par Maureen, avance ainsi Diego Isaac, marketing manager de Navya. Les villes sont de plus en plus peuplées et l’on compte de plus en plus de déplacements. La meilleure manière de répondre à ces problématiques c’est de proposer des solutions sur le 1er et le dernier kilomètre et d’accroître la capillarité des transports en commun. » Mais au-delà de l’expérimentation, ce qui est important aujourd’hui « pour faire avancer le sujet de la ville intelligente c’est de passer le stade de l’expérimentation et d’aller jusqu’à l’industrialisation », rappelle Virginie Alonzi.
Plébiscités par les citoyens, les modes de transports partagés comme les vélos, les automobiles, et même les scooters ont ouvert la voie au test de nouveaux véhicules, telle que la navette Navya. Une implication citoyenne importante pour la suite de l’aventure. Nous sommes bien loin du temps où pour tracer ses boulevards, Haussmann a rasé des immeubles et amputé des espaces comme le Jardin du Luxembourg, s’assurant l’ire des Parisiens. « La conception de la ville n’est plus l’apanage d’une équipe de spécialistes, il y a de plus en plus une implication des citoyens dans ces villes », souligne Virginie Alonzi. À Paris par exemple, les habitants de chaque quartier peuvent voter pour les allocations du budget : toit végétalisé, construction d’un fablab, création d’un jardin de quartier etc.
Si la ville de demain ne concerne pas uniquement les villes, mais également les zones périurbaines et même dans une certaine mesure le territoire dans sa globalité, c’est que les solutions sont de plus en plus portées par les citoyens. En ville, les jardins d’intérieur, connectés ou pas, fleurissent comme des champignons, les circuits courts pour s’approvisionner en légumes, comme en viande, en fleurs etc. sont de plus en plus privilégiés, les trajets solo en voiture laissent place au covoiturage et les applis d’entraide entre voisins gagnent chaque jour en popularité. Si la ville du futur se dessine certes doucement mais surtout sereinement, c’est parce que le crayon est, aussi, entre les mains des citoyens.
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