Il pourrait bientôt être bien plus facile pour les entrepreneurs étrangers de s'installer aux États-Unis. C'est en tout cas ce que prévoit l'administration Obama en proposant une nouvelle mesure permettant à certains entrepreneurs issus de l'immigration de développer une startup sur le sol américain.
Cette proposition, qui fait partie de l'engagement d'Obama d'attirer "les meilleurs et les plus brillants entrepreneurs du monde pour bâtir les prochaines grandes entreprises" des États-Unis, ne rendra cependant pas tous les entrepreneurs étrangers éligibles à une installation sur le sol américain.
Des conditions restrictives
Les entrepreneurs devront en effet répondent à certaines exigences pour se voir délivrer le sésame qui leur permettra de s'implanter aux États Unis. Parmi les pré-requis, une prise de participation d'au moins 15 % dans une startup américaine, la capacité de démontrer le potentiel de croissance de l'entreprise, d'investissement, et de création d'emploi, mais également l'intérêt public et économique que celle-ci peut avoir pour les États-Unis. L'entrepreneur doit aussi et surtout avoir levé plus de 345 000 dollars auprès d'investisseurs américains ayant des antécédents d"investissements sur le territoire, ou d'avoir au moins 100 000 dollars de l'État ou d'organismes gouvernementaux locaux.
Les entrepreneurs qui répondent à ces critères se verront ainsi accorder une entrée dans le pays pour deux ans, durée pendant laquelle le gouvernement peut renverser cette décision à tout moment. Après cette période, les fondateurs de startups pourront alors demander un renouvellement de trois ans de leur "visa", à conditions de continuer à exécuter leurs activités sur le territoire, mais aussi d'avoir créé au moins 10 emplois à plein-temps et généré 500 000 dollars de revenus annuels. Après cela, les entrepreneurs qui cherchent à rester aux États-Unis pourraient demander d'autres visas existants, comme le visa EB-2.
Une stratégie de longue date
S'il n'y a pas de limite au nombre de personnes admises en vertue de ces règles, le département de la sécurité intérieure des Etats-Unis estime que près de 3 000 entrepreneurs étrangers pourraient rejoindre les États-Unis grâce à cette nouvelle règle, qui entrera en vigueur après une période de consultation de 45 jours.
Ça n'est pas la première fois que le président Obama milite en faveur de l’implantation de startups étrangères sur le sol américain. Lors d’une discours prononcé à Las Vegas en 2013, celui-ci s'était en effet déjà prononcé en faveur de la création d’un visa pour startups. Une proposition alors rejetée par le Congrès américain, mais qui cette fois-ci n'aurait pas besoin de son approbation puisqu'elle profite de la loi sur l'immigration, qui permet au gouvernement d'accorder à certaines personnes des entrées temporaires dans le pays, au cas par cas, pour des "raisons humanitaires urgentes" ou "d'intérêt public important."
Une mesure bien accueillie par les entrepreneurs
Une nouvelle qui a immédiatement fait réagir les entrepreneurs du monde entier, parmi lesquels Max Levchin, cofondateur de PayPal, qui a expliqué dans un e-mail envoyé à la Maison Blanche l'importance de ce type de dispositif.
Celui-ci, qui rappelle avant tout que "l'Amérique est une nation d'immigrants et a toujours été un aimant pour les travailleurs, les innovateurs et les entrepreneurs de tous les coins du globe ". Il explique également que pour développer une entreprise, ces derniers ont besoin de stabilité. Un confort que n'étaient jusqu'ici pas capables de leur offrir les États-Unis.
Une réflexion partagée par Wilfried Granier, cofondateur de Superprof, qui estime qu'il est encore relativement compliqué de s’installer " officiellement " avec un vrai visa de travail aux États-Unis quand on est, par exemple, une jeune startup française. Pour pouvoir s'installer, il faut ainsi savoir ruser, explique-t-il, et faire appel aux bonnes personnes.
" Un bon nombre de sociétés (Frenchtech Hub, French accelerator pour citer celles avec lesquelles j’ai travaillé) aident à travailler aux USA, proposent des bureaux, du networking, du mentorship et vous expliquent " l’art de la débrouille " parmi tous les visas " Wilfried Granier
Le but, selon lui, étant de rester sur place, de pouvoir se consacrer à son projet dans de bonnes conditions, de nouer des partenariats, rencontrer des investisseurs, sans pour autant être hors la loi vis-à-vis de l'immigration.
Afin de lancer sa version US, Superprof avait ainsi recruté deux Américains pour s'éviter les problèmes de visa. Wilfried Granier, lui, vit entre Paris et San Francisco pour gérer la croissance en Europe et dynamiser les US avec un visa B1.
" Je pense que d’ici 18 mois nous aurons les moyens de nous payer un visa d’investisseur type E2, qui nous permettra plus de flexibilité mais pour le moment les critères sont encore bien trop élevés pour notre jeune société, donc on se débrouille "
Wilfried Granier
Pour Cyril Zimmermann, fondateur du groupe Hi-Média et installé à San Francisco l'an dernier pour développer les activités de Hi-Media sur le marché américain, cette nouvelle mesure ne semble pas non plus être une grande révolution : "Les États-Unis ont traditionnellement une politique d'immigration favorable vis-à-vis des entrepreneurs, et il n'est pas si difficile de pouvoir obtenir un visa dans le cadre d'un investissement ou de la création d'une entreprise. Il faut avoir recours à des conseils juridiques spécialisés et avoir un dossier solide. Mais il est vrai que les critères d'appréciation de ce dernier n'étaient pas très encadrés. La clarification apportée donne une meilleure lisibilité mais semble correspondre plus ou moins à ce qui était déjà en place "
Enfin, Jérôme Ternynck, fondateur de SmartRecruiters, estime de son côté que les startups développées par des immigrants représentent un véritable moteur pour l'économie américaine.
" Quand je suis venu créer SmartRecruiters en 2011, j'ai eu la chance d'obtenir un Visa L1. Sans cela, je n'aurais pas pu venir à San Francisco. Or aujourd'hui, SmartRecruiters emploie 140 personnes, a levé 55 millions de dollars ré-investis localement et les 1 000 entreprises qui utilisent notre plateforme de recrutement ont créé plus de 1 million d'emplois en 5 ans " Jérôme Ternynck
Celui-ci, qui affirme que les choses évoluent dans le bon sens pour les entrepreneurs mais aussi et surtout pour les États-Unis, et que la compétition entre États pour attirer les startups va continuer à s'intensifier et rappelle ainsi que plus de 40% des sociétés Fortune 500 ont été fondées par des immigrants ou des enfants d'immigrants. La Maison Blanche envisage d' adopter cette règle avant que le président Obama quitte ses fonctions, le 20 janvier prochain.