Quelle est la place de l’apprentissage dans le paysage éducatif français ? Pourquoi le modèle ne décolle pas ? Quelles sont les actions à mettre en place pour en faire une véritable réponse à l’évolution des métiers ? Autant de questions sur lesquelles Maddyness s’est penché avec trois experts du secteur, à l’aube d’une conférence organisée par la CCI Paris Ile-de-France sur le sujet.
L’apprentissage est une solution de formation qui permet aux jeunes de 16 à 25 ans de partager leur temps entre des périodes de travail en entreprise et des périodes d’études en centre de formation. A la clé : un diplôme et l’acquisition de vraies aptitudes professionnelles.
Avec l’émergence des nouveaux métiers du numérique, qui se créent et évoluent très rapidement, tels que roboticien, Data Scientist, Scrum Master ou manager d’avatars par exemple, ce mode de formation peut-il s’adapter ? Les formateurs arrivent-ils à suivre le mouvement ? Comment favoriser le développement de l’apprentissage ?
Même si l’image de l’apprentissage s’améliore nettement, des progrès restent encore à faire pour le promouvoir, d’abord auprès du grand public, mais aussi auprès des entreprises. Les premiers voient trop souvent encore dans ce type de formation une « voie de relégation », une voie sur laquelle il faut orienter les jeunes en difficultés scolaires.
" Il faut réellement faire de cette question une vraie priorité, il faut mettre en place une réflexion stratégique, une sensibilisation des enseignants pour les convaincre que l’apprentissage n’est pas une voie de relégation "
Rachid Hanifi, directeur des affaires institutionnelles et des relations extérieures, CCI Paris Ile-de-France
Les entreprises, de leur côté, ne veulent pas recruter d’apprentis lorsque leurs affaires ne sont pas au beau fixe. La situation économique morose, combinée à la disparition des aides aux entreprises en 2011, a donc entrainé la diminution du nombre d’apprentis formés.
" Aujourd’hui, le contexte n’incite pas les entreprises à recruter un apprenti. Leur nombre est donc repassé en-dessous des 400 000. Il devient donc vraiment urgent de faire bouger les lignes "
Rachid Hanifi
Pourtant, la formation en apprentissage aurait un véritable effet favorable sur l’insertion professionnelle des jeunes. En les formant à un métier avec de l’expérience pratique, elle les rend attractifs sur le marché du travail et leur offre un accès rapide à l’emploi et à ces métiers qui évoluent tant.
" C’est moins théorique, et tout aussi adapté à la formation aux nouveaux métiers. La problématique du moment n’est pas de former des élites mais de former un plus grand nombre de jeunes aux métiers du numérique, qui ont des difficultés à trouver les compétences dont ils ont besoin "
Jean-Luc Beylat, président du pôle de compétitivité Systematic
Il faut redonner ses lettres de noblesse à l’apprentissage car c’est une opportunité, pour les jeunes, d’apprendre sur le terrain tout en se confrontant aux réalités de ces nouveaux métiers. Mais alors, quelles seraient les solutions à mettre en place pour que l’apprentissage puisse trouver sa place dans ce contexte d’évolution des compétences ?
Avant tout, il faudrait alléger les contraintes législatives. On assiste aujourd’hui à une véritable lourdeur administrative : une nouvelle formation doit d’abord être reconnue par l’État, puis expérimentée pendant trois ans, avant de pouvoir s’implanter dans un cycle d’apprentissage. Et pendant ce temps, ces nouveaux métiers ont déjà évolué !
" Il est très compliqué de faire évoluer les diplômes délivrés par le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il y a des inspecteurs qualifiés dans leurs domaines, qui ont une vision du métier qui n’est pas en phase avec l’évolution du temps "
Jacques-Olivier Hénon, directeur des politiques éducatives, directeur du CFA à la CCI Paris Ile-de-France
Autre point important dans la mise en avant de l’apprentissage : donner aux différents acteurs de la formation une vraie envie d’évoluer pour faire basculer le système. Il faudrait faire prendre conscience aux enseignants de ces évolutions pour qu’ils s’ouvrent à l’apprentissage et véhiculent les valeurs du système éducatif avec conviction.
" Aujourd’hui, tout le monde s’accorde à dire qu’il existe 8 à 9 formes d’intelligence*, alors que le système éducatif français n’en juge que deux. Si l’on ne rentre pas dans ces cases, on est jugé inapte à rester dans le système classique "
Jacques-Olivier Hénon
Assouplir, alléger et expérimenter semblent donc être les clés de l’évolution de l’apprentissage, sous réserve que les besoins soient présents. Des questions qui seront abordées le 20 juin prochain lors de la conférence-débat sur l’apprentissage organisée par la CCI Paris Ile-de-France.
Animée par Florence Duprat (BFM TV), elle sera l’occasion pour les personnalités politiques, les entrepreneurs, les recruteurs et les experts présents, de faire le point sur les solutions innovantes pour mettre en avant l’apprentissage. Clotilde Valter, secrétaire d’État chargée de la formation professionnelle et de l'apprentissage, et Valérie Pécresse, présidente de la Région Ile-de-France, seront les invitées d'honneur de cet événement. Apprentissage... et si on innovait ! Lundi 20 juin de 18h à 19h30 à la CCl Paris Ile-de France.
Maddyness, partenaire média de la CCI Paris Ile-de-France