Dans la lignée des structures d'accompagnement, Startup Leadership Program adopte un angle différent de ses confrères parisiens. En effet, pendant 6 mois à Paris, les entrepreneurs bénéficient de formation et de l'aide de mentors pour avancer dans leur projet. Comme c'est une association, la cotisation est aussi dérisoire par rapport à ce que le programme peut apporter : un réseau, des mentors, une formation. Laurent Béduneau-Wang, répond aux questions de la rédaction.
Quelle est la Genèse de ce programme?
Quel en est la Genèse ? Monté en 2006 à Boston par Anupendra Sharma et des anciens ingénieurs d'Harvard et de Boston College qui ont lancé leurs activités à la sortie d'école, le programme a essaimé au Etats-Unis, en Inde puis au-delà. Désormais le Startup Leadership Program (SLP) est présent dans 21 villes dans le monde (NY, SF, Chicago, Londres, Moscou, Tel Aviv, Mumbai, Bangalore, Shanghai, Taipeh, etc.) avec plus de 1300 fellows formés dont 250 femmes, plus de 1000 startups créées, 550 brevets déposés (notamment par les 180 doctorants - étudiant PhD) et 450 millions de dollars levés. SLP est géré à travers des équipes locales de bénévoles que ce soit pour l'organisation des cours ou le mentorat. Mais la Genèse est un mythe.
Nous avons tous besoin de mythes, mon propos va être plus concret pour SLP Paris ; j’espère ainsi que d'autres personnes en France pourront s’en inspirer pour passer à l'action (au-delà des multiples rapports laissés dans les tiroirs…), contribuer à soutenir les startups et favoriser la création d'emplois ... éventuellement dans le cadre du Startup Leadership Program puisque nous sommes amenés à nous développer dans d'autres villes en France.
Postuler à la troisième promotion de Startup Leadership Program
Comment le programme a t-il été constitué à Paris?
Ce travail s'est étendu sur 4 mois de mai à août 2012 au cours de réunions hebdomadaires dans un café, plus convivial qu'un garage… , et il n'a nécessité aucun investissement financier. Au premier trimestre 2012, Xavier Milin est contacté pour trouver une manière de lancer SLP à Paris. Il m'en parle dans le cadre du Club Horizons qui réunit entrepreneurs et jeunes dirigeants de grands groupes et vise à incuber des projets à vocation sociétale (dont 100 000 entrepreneurs de Philippe Hayat). A défaut d'incuber le projet, le Club Horizons devient un partenaire pour le lancer à travers l'implication d'une partie de ses membres, notamment par la mise à disposition d’une salle de cours. En parallèle, Xavier contacte un ancien fellow français de SLP Boston, Camille Delebecque.
Avec Xavier et Camille, nous nous sommes répartis le travail de manière pragmatique. Xavier mobilise des mentors pour conseiller les futurs fellows-entrepreneurs du programme et rencontre des soutiens institutionnels ou associatifs notamment pour avoir un espace pour réaliser nos cours, Camille nous aide pour la communication digitale sur le lancement et nous conseille sur la culture P2P (entre pairs) du programme, de mon côté, je lance un appel à candidature aux entrepreneurs, monte 3 événements de présentation du programme et communique au sein des écoles et universités pour attirer les candidats. Nous récoltons une cinquantaine de candidatures pour une cible de 20-25 personnes maximum.
La sélection est finalisée courant août. Avec Xavier, nous adaptons le cursus américain au contexte français et cherchons des intervenants sur les différents thèmes : financement, marketing, lean startup, leadership, etc. Fin août, nous sommes rejoints par Claire Desombre. Elle nous apporte un soutien précieux pour l'organisation et la logistique des cours.
Début septembre 2012, la première promotion est lancée avec 22 entrepreneurs et un panel d’intervenants et de mentors tous prêts à donner de leur temps sur un programme naissant. Hervé Franceschi, coach en développement du leadearship, mentor au cours de la première promotion, est venu renforcer l'équipe d’organisation en 2013.
Vous ouvrez la 3ème promotion, quels retours pouvez-vous faire sur les 2 premières éditions?
En deux ans, nous avons sélectionnés 52 entrepreneurs dont 45 ont réalisé le programme jusqu'au bout. L'ensemble a généré ou accéléré le développement de plus de 40 startups, créé plus de 80 emplois et levé 5 millions euros. Les secteurs sont variés : santé, éducation, logiciels, tourisme, édition, etc. 10 entrepreneurs sont des femmes. Les parcours sont divers : autodidacte, ingénieur, managers, universitaires (notamment en philosophie et en anthropologie !). La fourchette d’âge s’étend de 22 ans à 48 ans.
Pour ce qui concerne le déroulé du programme, nous avons appris sur le tas. Nous privilégions les interventions qui demandent une participation active des fellows. A côté, nous avons différents événements qui permettent aux fellows de se décentrer, notamment une journée où ils se mettent dans la position de capital-risqueurs en leur présence, et évaluent des startups extérieures qui souhaitent réaliser une réelle levée de fonds. Globalement, nous avons adapté un programme américain au contexte français en insérant une session relative aux aides et subventions, une session sur la négociation, une soirée pour associer les mentors et les fellows et en intégrant le nombre d'emplois crées par les startups comme un indicateur de performance.
En termes de mobilisation, les résultats ont complètement dépassé nos attentes : notre panel de mentors regroupe plus d’une centaine de personnes (serial entrepreneurs, dirigeants de grands groupes, business angels, coach et experts, etc.), notre soirée investisseur – notamment grâce à Xavier - a réuni des représentants de plus d’une vingtaine de fonds français (Alven, Elaia, Partech, Kima Venture, etc.), les candidatures ont doublé en deux ans et ce n’est pas fini !
A titre personnel, ce qui me fait plaisir aussi, c’est l'enthousiasme des fellows à contribuer au-delà du programme de 6 mois – c’est une vraie marque de reconnaissance et aussi une prise de conscience partagée que pour retrouver une ambition économique en France, il est nécessaire de penser collectif. Il y a quelques jours, les chiffres du chômage sont tombés pour juin : 3.3 millions de personnes sont en recherche d’emplois. L’expérimentation pour trouver de nouvelles solutions face au chômage, de nouvelles dynamique de création et partage des richesses est absolument nécessaire et urgente … depuis 30 ans. Doit-on encore attendre 30 ans pour commencer à répondre autrement à cet enjeu de société ? A travers SLP, nous expérimentons à notre échelle et sommes particulièrement reconnaissants à l’ensemble des personnes qui contribuent en ce sens depuis deux ans et sont partants pour cette 3ème édition
Qu'est-ce qu'un entrepreneur à haut potentiel? Existe-t-il un profil type?
Au niveau de la sélection, nous avons une grille de critères classiques concernant le parcours des personnes (études, expériences professionnelles, etc.) et le projet. Nous ciblons les secteurs Education, Cleantech, Biotech, Logiciels, Internet, Mobile et les entreprises à vocation sociales ("social enterprise"). Le champ reste malgré tout très ouvert. Hormis ça, non, nous n’avons pas de profil-type, et pour devancer une question française récurrente, nous n’avons pas non plus d’exigence de diplôme. Ce qui nous intéresse le plus, c’est la personnalité de l’entrepreneur. Le mettre dans une case "profil-type" est une opération risquée, il essaiera toujours d’en sortir.
Néanmoins, deux aspects nous apparaissent cruciaux et qualifient ce que nous appelons entrepreneur à haut potentiel: l’engagement et la capacité à rendre service aux autres. L’engagement implique concrètement que nous ne prenons plus de personne en poste, sauf cas très très exceptionnel où la transition est proche et planifiée. La traduction pratique au cours des 6 mois de programme est que nous ne tolérons pas les absences et retards.
Pourquoi un discours si rigide dans un monde de l’entrepreneuriat affiché habituellement comme open, adaptable, flexible ? L'écosystème SLP est constitué de personnes qui contribuent à titre bénévole, généralement à côté d'une vie professionnelle très chargée. C’est le cas autant pour nous, équipe d’organisation, que pour les intervenants. Préserver cette dynamique collective suppose un engagement fort et durable des fellows. Côté carotte, nous avons développé un système très ludique pour les éventuels contrevenants - ça fera sourire les fellows. Côté bâton, au-delà de deux absences, nous nous réservons la possibilité de proposer au fellow d’arrêter le programme. Pour faire court à l’attention des futurs candidats, la présence et la ponctualité des fellows aux cours est une obligation. Si tu n’es pas prêt à venir pendant les six mois, il est préférable que tu postules une année suivante.
Qu’est ce que rendre service aux autres ? La classe de 30 fellows est divisée en 6 cohortes de 5 personnes. Chaque cohorte est en charge de l'organisation des cours pendant un mois au service de la classe. Cette dimension est importante sur le plan logistique et exige d’investir du temps pour assurer un cursus de qualité. Au-delà, c’est une manière de créer un collectif qui se poursuit après les 6 mois de cours.
Diriger, c’est moins se servir que de rendre service, c’est moins prendre que donner. Entre économie de la prédation et économie du don, nous faisons le pari de mettre en œuvre la deuxième option.
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