Passée l’excitation de l’approche d’un grand compte, l’enjeu pour les startups est d’aboutir à un accord équilibré, durable dans le temps et ce, le plus rapidement possible, au regard des besoins de trésorerie de la société. Comment dès lors concilier cette réalité avec les rouages propres aux grands comptes et la standardisation peu adaptée aux startups des contrats soumis ?[hr]
Avant tout, les startups doivent être particulièrement vigilantes au décalage temporel entre leurs besoins et attentes d’une part, et la hiérarchie des grands comptes, d’autre part. En effet, alors que vous trépignez d’impatience de recevoir le premier projet de contrat du grand compte, ce dernier nécessite un temps complémentaire, pour faire circuler l’information entre ses services (navette entre les départements techniques/achats, juridique et la direction).
Il peut arriver que la longueur de traitement au sein du grand compte fasse échouer les opérations envisagées, notamment lorsque des équipes techniques doivent être sollicitées (programmation à l’avance de leur planning). D’où l’importance de disposer d’un contact privilégié au sein du grand compte, afin de minimiser les délais (technicien ou exécutif, de préférence).
Sur le fond, la sécurisation des intérêts de chaque partie doit être prioritaire, ce qui nécessite en conséquence d’évacuer rapidement l’image de David contre Goliath. Une analyse approfondie du contrat soumis, en adéquation avec le pragmatisme des startups, doit être réalisée, afin de justifier auprès des grands comptes les causes pour lesquelles vous ne pouvez/voulez pas accepter les clauses générales.
Dans la majorité des cas, les discussions motivées aboutissent à une compréhension des difficultés par le grand compte, qui, parce qu’il a également intérêt à le faire pour la réussite des relations contractuelles, accepte de modifier sa trame habituelle.
Dans ce contexte, il convient juridiquement de porter une attention particulière aux clauses suivantes :
- L’objet du contrat : celui-ci doit correspondre aux seuls produits et services considérés, sans anticiper sur d’autres relations ;
- La définition des produits et services objets du contrat : qui doit être exhaustive et concrète. Les modalités d’exécution des missions devront par ailleurs être précisément détaillées ;
- Les obligations des parties : qui déterminent les droits et devoirs de chacun, dans le cadre de l’exécution de l’accord à intervenir ;
- La confidentialité : impérative dans le cadre de votre relation avec les grands comptes et à adapter à chaque cas d’espèce, afin de préserver la non divulgation et le non usage de vos informations ;
- La propriété des résultats : fondamentale, en ce qu’elle va conditionner les droits appartenant à chacune des parties et protéger vos connaissances antérieures ;
- Les conditions financières : le prix des opérations en cause doit être clairement établi. A ce sujet, veillez aussi à ce que le déclencheur du paiement soit intégré et les délais de paiement déterminés.
- Les modalités de règlement des grands comptes sont généralement défavorables aux startups. Il convient d’anticiper côté trésorerie cette réalité ou tenter d’obtenir un raccourcissement des délais usuels.
- La présence d’une exclusivité : au regard de droits précédemment consentis à des tiers, il est possible que vous soyez empêchés de consentir une exclusivité avec les partenaires pressentis. Cela peut également relever d’une décision stratégique, compte tenu des autres prospects sollicités ;
- La présence d’une clause de non-concurrence : qui doit répondre à des impératifs de délimitation à la fois dans le temps et dans l’espace. En outre, si elle est post-contractuelle, celle-ci doit se rémunérer.
- La durée et les modalités de terminaison du contrat : si les clauses liées peuvent être perçues comme subsidiaires, elles sont en réalités très importantes et conditionnent bien souvent les conséquences en termes financier de la rupture des relations ;
- Le mode de règlement des litiges : si le grand compte est une société de droit étranger, la loi applicable au contrat et les juridictions compétentes feront l’objet d’une négociation délicate. Outre des recours judiciaires, d’autres modes de règlement des litiges peuvent apparaître bien plus adaptés aux startups. Nous les aborderons dans le cadre d’une rubrique juridique ultérieure.
Cette liste n’est bien évidemment pas limitative et devra être appréciée, selon chaque négociation. N’oubliez pas non plus que seul le représentant légal ou une personne disposant d’un pouvoir exprès l’habilitant à conclure le contrat engage la société. De nombreuses startups n’ayant pas vérifié ce point se sont par la suite retrouvées dans des situations conflictuelles.
Enfin, si le grand compte ne souhaite pas modifier ses contrats, il vous reviendra d’apprécier la balance "bénéfices/risques", au regard du chiffre d’affaires attendu et de la situation de votre société. Je ne peux à ce sujet que vous conseiller d’anticiper au mieux et de préparer en amont vos approches grands comptes, en démarchant en masse, de manière à ce que vous ne retrouviez pas au pied du mur.
L’accompagnement d’un conseil à vos côtés est en tout état de cause vivement recommandé. Ce dernier prendra le soin de mener à bien les négociations avec le département juridique du grand compte, s’agissant de toutes les problématiques légales et stratégiques. Il vous alertera enfin sur les conséquences et les risques potentiels qui peuvent naître de l’exécution du contrat.