Une devinette. Qu’est-ce qui est le plus facile ? Faire communiquer un français et un chinois ? Ou faire travailler ensemble un entrepreneur et un investisseur ? Vous avez la réponse… Pour les entrepreneurs, les investisseurs, c’est le diable. Pour les investisseurs, les entrepreneurs sont des menteurs. Et si nous faisions communiquer le diable et les menteurs ? Une tribune de Matthieu Langeard.[hr]
- Vous allez peut-être penser à des tableaux Excel ?
- Ou à une courbe de croissance à deux chiffres ?
- Vous oubliez un détail, les investisseurs sont des êtres humains !
Face à un inconnu, ils se posent les mêmes questions que vous. Ils ont besoin de comprendre : d’où vous venez ? Qu’est-ce qui vous pousse à être entrepreneur ? Quelles sont vos forces et vos fragilités ? Or ils ont peu de temps à vous consacrer. Alors, provoquez la rencontre. Osez parler de vous, vous serez choisis pour qui vous êtes !
Il y a autre chose. Mettez-vous à leur place, ils ont souvent l’impression de se faire avoir. On leur vend un château, ils se retrouvent avec une baraque à frites ! A tel point que, dans la Silicon Valley, la réunion après la signature s’appelle le “Oh shit meeting” : la lune de miel se transforme en bain de sang !
Valorisez vos limites
Un jour, j’audite un dirigeant, Vincent. A la fin de l’entretien, je lui demande :
- Vincent, quel est votre rapport à l’argent ? Où êtes vous le plus compétent ? Est-ce plutôt dans l’acquisition ? Est-ce plutôt dans l’épargne et la gestion ? Ou est-ce dans l’utilisation, les investissements ?
- Matthieu, pour moi l’argent n’est pas le sujet, et en plus ce n’est pas mon fort. Par contre, j’ai un associé très doué pour ça. C’est lui qui fait les prix, et c’est lui qui négocie.
Cet entrepreneur, c’est le top ! Vincent assume ses limites et il valorise la complémentarité. Comme lui, faites de la place aux autres, ne prétendez pas être l’homme, ou la femme, total, le dirigeant supersonique. Vincent ose parler de ses fragilités et surtout, il en tire parti.
Certains lecteurs pourraient être agacés par mon discours : soyons bien d’accord, le capital-investissement, ce n’est pas le monde des bisounours. Je ne veux envoyer personne au casse pipe, d’autant plus que les conseilleurs ne sont pas les payeurs…
Osez le contact relationnel
Pour être sûr qu’on se comprenne bien, je vais vous donner un autre exemple. Il est tiré d’une séance de coaching. Cyril dirige une PME en forte croissance. Il est assis juste en face de moi, au bar de l’hôtel Mélia, à Paris. Ce jour-là, il est en pétard :
Matthieu, mon actionnaire me saoule !!! La femme qui dirige ce fonds n’arrête pas de me faire la leçon.
- Cyril, ça te rappelle quelque chose cette situation ?
Grand silence…
- Oui. J’ai l’impression d’être face à une instit. Et le problème, c’est qu’à l’école, j’étais un cancre ! Tu vois le tableau ?…
Cyril sait maintenant pourquoi cette relation le crispe ! Du coup, l’interaction change, il se met à faire plein de choses passionnantes.
Cyril arrête de faire des projections sur cette femme. Il s’intéresse à elle. En retour, il devient lui-même intéressant ;
- Il entre en contact avec son ressenti, son désir et ses besoins ;
- Il ne se met plus au fond de la classe. Il se rapproche d’elle, et ajuste le registre de la communication ;
- Cyril quitte les postures de cancre. Il s’exprime simplement, il est honnête et authentique ;
- Enfin, il ose expérimenter un nouveau mode relationnel, avec courage et audace.
- Les résultats sont spectaculaires, Cyril fait une deuxième levée de fonds auprès des mêmes investisseurs, elle passe comme une lettre à la poste.
Négociez vos conditions
Lors d’une autre séance de coaching, il me dit :
Matthieu, j’ai de grosses opportunités sur mon marché, Nous allons faire une troisième augmentation de capital. Cette fois, ça va être du lourd. Bon, le nouveau fonds va forcément détecter mes fragilités… Alors autant prendre les devants, et les aider à mettre des mots dessus !
Un jour, Cyril va même au-delà :
Matthieu, je n’ai plus du tout envie de me retrouver dans une relation maître-élève avec mes actionnaires ! Je veux définir avec eux, dès le départ, le reporting : les datas, et la fréquence nécessaire. Et s’il y a des questions, ce sera une réunion tous les deux mois. Point barre !
Un coaching comme ça, c’est reposant. C’est le client qui fait tout le travail ! Cyril prend la responsabilité de ses besoins. Il se donne les moyens de réussir sa relation et pose un cadre pour éviter des frustrations, de chaque cotés.
Que nous ont appris Vincent et Cyril ?
Apprenez à parler de vous ! Osez, le plus tôt possible, mettre de l’humain dans la relation. Vous pouvez même poser la question aux investisseurs : "Et vous, quelles sont vos forces et vos fragilités ?"