Dimanche 27 octobre, 8h30 : une vingtaine d’entrepreneurs pas très réveillés se retrouvent à Startup42, l’accélérateur d’Epita, une valise à la main. Ils ne se connaissent pas et pourtant ils vont passer 3 jours ensemble 24h/24 (ou presque) dans un bus, pour un des hackathons les plus intenses d’Europe. Reportage.[hr]
Leur objectif : monter une startup sur leur chemin de Vienne en Autriche et la défendre devant un jury composé d’investisseurs européens. Face à eux, 5 autres bus, partant de Londres, Berlin, Amsterdam, Barcelone et Milan, avec la même motivation d’acier. Je rejoins les développeurs, businessmen et designers français, belges et mauritaniens du bus parisien pour m’embarquer dans ce "hackathon on steroids".
Monter une startup sur des routes de montagne
La première journée est cruciale : il s’agit de trouver et de monter la bonne équipe et de trouver un projet viable et développable en trois jours. Une participante habituée des hackathons me confie : "On peut faire pivoter un projet qui ne marche pas, mais pas réparer une équipe qui ne prend pas." Bien jouée car l’équipe a fini par changer de projet et a décidé de développer une idée qui lui plaisait vraiment, Wefab une plateforme qui met en contact les designers et les propriétaires d’imprimantes 3D.
La traversée haute en émotion du Jura et la mauvaise connexion internet ne semble déranger que les organisateurs. "On était tellement concentré qu’on n’a pas réalisé qu’on était sur des routes de montagne, s’amuse une participante."
Plus loin dans le bus, une équipe colle. Leur idée ne va pas, pas plus que les trois suivantes sur lesquelles ils ont réfléchis. Organisés, ils appliquent différentes théories et bonnes pratiques pour trouver une idée. Finalement, ils développeront Shakee, une appli permettant d’organiser facilement ses sorties au restaurant entre amis.
Accélération express chez Google à Zurich
Après deux-trois heures de sommeil au mieux dans l’hôtel 4* NH à Fribourg en Suisse, le bus prend la direction de Zurich et du centre de recherche technique de Google. La journée commence plutôt bien, les participants profitent du bureaux de Google, de son immense (et 100% "healthy") buffet petit-déjeuner et de ses tables de baby-foot. Mais, vite, les choses se corsent avec un atelier intense sur les thématiques du pitch, du cycle de vie d’une startup, de la levée de fonds ou encore du développement lean. Les équipes sont mises à l’épreuves; entre deux conseils pratiques et mises au point théoriques, l’entrepreneur/investisseur suisse Jordi Montserrat les pousse dans leurs retranchements.
Après s’être pris des claques toute la journée, comme l’a résumé un participant, les "buspreneurs" étaient particulièrement motivés quand le bus anglais est arrivé pour une battle de pitch. Enfin, après 30h de boulot, les buspreneurs s’offrent une pause bien méritée et profitent avec les participants anglais de l’apéro offert par Google.
L'entrepreneuriat à l'européenne
Le lendemain, c’est le bus allemand que le bus français rejoint à Munich. Pas de temps pour l’amitié franco-allemande, les équipes sont concentrées : elles se préparent pour la demie-finale. Mais tout cela change quand les deux bus arrivent dans le coworking space Wayra où ils rejoignent les bus anglais et hollandais. Les bus se mélangent autour d’une spécialité bavaroise et de chili ( ?!) et on commence à entendre parler de toutes les langues.
Les différentes équipes se mettent à pitcher sous les encouragements de la salle. Cinq startups ressortent récompensées dont deux françaises. SocialFoods se hisse à la troisième place avec son site de don de nourriture local, alors que SizeMe part en final grâce à son module e-commerce permettant de commander d’un clic un vêtement à sa taille en fonction de ses mensurations.
Le lendemain matin, rendez-vous à Vienne pour la finale au Pioneers Festival. C’est dans le palais impérial Hofburg que les finalistes de retrouvent sous l’œil inquisiteur d’un jury de renom, avec notamment Alice Zagury de The Family pour représenter la France.
Finalement, c’est la startup néerlandaise Aiden, un beau concept permettant aux dépressifs de noter leurs émotions afin de reprendre le dessus sur la maladie, qui a remporté la compétition.
Gagnants à tous les coups
Pourtant, pas déçu, tout le monde s’estime gagnant. "C’est un véritable accélérateur d’apprentissage", m'explique une participante qui n'avait jamais travaillé dans une startup.
"J’avais envie de me lancer mais j’avais peur de ne pas avoir le niveau, maintenant, je me sens plus sûre de moi. Tu apprends sur toi, sur ce que tu peux faire et ce sur quoi tu dois travailler, continue un autre participant. Toute cette émulation te fait réaliser qu'il n'y a pas de limite."
Pour les participants ayant déjà monté des boites, c’était l’occasion de recevoir des feedbacks, de sortir de sa "zone de confort", de sortir de son rôle habituel, de découvrir l’aspect business ou de peaufiner sa capacité de pitch. En tout, un entrepreneur me dit avoir présenté son projet 7 fois, à chaque fois devant un public et sous un format différent, un excellent exercice d'adaptation qui lui sera utile pour sa propre startup.
Mais que serait un pitch, sans un public ? StartupBus a permis aux participants de rencontrer du monde, des investisseurs évidemment, mais aussi des développeurs, des designers et des porteurs de projet que cette expérience a soudé.
Car, le StartupBus, c’est aussi une expérience humaine incroyable, la certitude de revenir lessivé, mais avec de nombreux souvenirs et de nouveaux amis.