Alors que le business du football prend des proportions pantagruéliques, que les records du prix des transferts sont battus tous les six mois et que les clubs s’endettent toujours plus pour payer des salaires exorbitants, l’acquisition d’un joueur a désormais tout d’une opération de fusion-acquisition des grandes banques d’affaires : Ses montants, ses traders, ses cabinets de conseil et ses Due-Dilligences. Article proposé par Léo Dubert.[hr]
Et pour rendre les acquisitions aussi objectives que possible, le chiffrage des performances est de plus en plus utilisé. Nombres de passes réussies, type de combinaisons favorites, occupation de l’espace, nombre de kilomètres parcourus, interceptions de ballons, nombres de contrôles maîtrisés, tout est mesuré, enregistré, calculé.
Seule capable de combiner ces critères de performance impossible à synthétiser à l’œil nu, la data-visualisation permet d’étudier et de représenter synthétiquement ces masses de données. L’usage de la data-visualisation en sport n’est pas nouveau. Depuis déjà quelques décennies, elle est utilisée aux Etats-Unis, particulièrement pour le Basket. Mais en Europe, fort de notre flair sportif, nous avons longtemps dédaigné ces pratiques réductrices (le PSG a attendu janvier 2012 pour instaurer le GPS à l’entrainement). La data-visualisation est désormais une profession à part entière dans certains clubs de football (Manchester City, Real de Madrid, Chelsea…), tant dans une perspective d’acquisition, que de tactique et de coaching.
C’est cet engouement qui a provoqué l’émergence d’applications Web permettant la visualisation de données.
En 2010, une agence de développement Web lançait l’application pour Ipad LivePitch pour la Coupe du Monde. Pensée pour les particuliers, elle avait pour vocation d’offrir une analyse visuelle des matchs, basée sur des statistiques agrégées en temps réel et sur l’historique de tous les précédents matchs.
En juillet 2010, Adidas lançait Match Tracker, application développée par Group94, une agence belge de webdesign. L’application combinait des outils d’analyses générales, comme la heatmap, permettant la visualisation de l’occupation du terrain à chaque période sélectionnée, comme individuelles, en synthétisant les statistiques détaillées de chaque joueur : passes, tacles, tirs, dribbles…).
Ce bijou de data-visualisation était cependant voué à disparaître, en même temps que le partenariat qu’elle était censée célébrer.
Plus récemment, le think thank Near Future Laboratory, en partenariat avec le cabinet de conseil Pop up Urbain, a proposé une approche différente avec le Footoscope. Ne proposant aucune donnée chiffrée, elle présente une synthèse géo-contextualisée des dynamiques au sein de l’équipe : des passes, des combinaisons, du positionnement des joueurs. La sélection d’une période de temps durant le match permet de comparer les dynamiques de placement et de construction aux différentes phases du match, avant un but vs après un but, ou avant/après la mi-temps, donnant les clés du match aux spectateurs.
L'usage professionnel de la data-visualisation est moins connu, cependant en plein essor grâce à des agences comme Opta, Prozone ou Amisco (toutes anglaises). Disposant d’immenses bases de données, elles sont de plus en plus sollicitées par les clubs pour une prestation de conseil en recrutement ou pour les choix tactiques : comment contrer tel joueur, quelle caractéristique physique développer chez tel joueur ou encore comment optimiser leurs interactions.
La synthèse et la représentation de ces données sont l’enjeu crucial de la qualité de leur prestation.
Fortes de leur base de données colossale et de leur vision omnisciente, ces agences accèdent à un niveau de détail et profondeur d’analyse jamais atteint. Tout ce qui rentre dans le champ de leur géo-localisation est pesé, analysé, trituré.
Aussi intuitif soit le flair d’un entraîneur de football renommé, peut-il concurrencer les armées d’analystes et leurs banques de données ? Les acrobaties de Zlatan, les prouesses sportives de Ronaldo ou la virtuosité de Pastore peuvent-elles être synthétisées dans un tableur Excel ? L’analyse statistique découvrira t-elle le nouveau Messi ?