La franchise représente une alternative à la création pure d'entreprise, mais les chiffres officiels divulgués peuvent cacher une réalité toute autre. Rodolphe GALY-DEJEAN a souhaité éclaircir la vision des lecteurs de Maddyness qui aurait ce projet en tête.
#1 Avant toute chose, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs?
Je m'appelle Rodolphe GALY-DEJEAN, et je suis un ancien franchisé. Je suis l'auteur du blog www.franchiselab.fr et du livre « Devenir franchisé : ce que l’on ne vous dit pas ! ».
#2 Vous avez souhaité réagir à l'article "Le Panorama de la Franchise", pourquoi?
En effet, les « enquêtes annuelles de la franchise », et donc en particulier celle de 2011 dont il est question dans l’article "Etat des lieux des franchisés, qui sont-ils?", présentent quantité de chiffres (l’article en question en cite une quinzaine). Mais quatre données sont absentes de ces études. Il s’agit :
- du nombre d’entreprises franchisées créées chaque année,
- du nombre d’entreprises franchisées disparaissant chaque année,
- du nombre de franchiseurs qui apparaissent chaque année,
- et du nombre de franchiseurs qui disparaissent chaque année.
Je tenais à souligner l’absence « étrange » de ces chiffres qui ne sont en fait jamais publiés, ni dans ces études, ni dans aucune autre.
#3 Dites-nous alors, combien d’entreprises franchisées et de franchiseurs apparaissent et disparaissent chaque année ?
A ce jour, personne ne sait répondre à cette question. Et pour cause, personne ne cherche à y répondre. De fait, les nombres de disparitions et de créations d’entreprises franchisées et de franchiseurs ne sont jamais évalués.
Les spécialistes de la franchise affirment que chaque année il y a entre 3 000 et 5 000 nouveaux franchisés. Mais quand on leur demande d’où ils tiennent ces chiffres, ils se surprennent eux-mêmes à devoir admettre qu’ils ne font que répéter des chiffres « qui circulent » !!!
Quant aux trois autres nombres, le nombre d’entreprises franchisées qui sortent des réseaux, le nombre de franchiseurs qui disparaissent et le nombre de franchiseurs qui apparaissent, ils se contentent d’avouer leur ignorance.
Il est vrai que la FFF (Fédération Française de la Franchise) publie des chiffres relatifs au nombre de points de vente franchisés et au nombre de franchiseurs. Il s’agit du nombre de points de vente franchisés et du nombre de franchiseurs recensés au 31/12 de chaque année. Par exemple, au 31 décembre 2012, la FFF dénombrait 62 041 points de vente franchisés et 1 569 réseaux de franchise et au 31 décembre 2010, elle dénombrait 58 351 points de vente franchisés et 1 477 réseaux de franchise.
Tout au plus ces chiffres permettent-ils de mesurer la variation du nombre de points de vente franchisés et du nombre de réseaux entre deux 31 décembre successifs. Ainsi, on peut dire qu’entre le 31 décembre 2010 et le 31 décembre 2011, le nombre de points de vente a augmenté de 3 690 unités et le nombre de réseaux de 92 unités.
Mais, ces chiffres ne permettent en aucun cas de répondre à la question posée. On déplorera au passage l’erreur de raisonnement de nombreux commentateurs et spécialistes qui, confondant nombre de créations et variation, écrivent par exemple que « 92 nouveaux réseaux de franchise se sont lancés en 2011 » et que « 3 690 unités franchisées supplémentaires se sont ouvertes en 2011 ». On remarquera que cette interprétation erronée des chiffres publiés par la FFF peut être à l’origine de l’évaluation communément admise de 3 000 à 5 000 nouveaux franchisés chaque année.
Ceci étant dit, il est possible de se faire une idée du nombre de créations et de disparitions annuelles d’entreprises franchisées pour l’année 2006. En effet, en recoupant les chiffres publiés pour par la FFF et Bercy, on montre qu’en 2006, 15 715 entreprises ont rejoint un réseau et 11 545 ont quitté leur réseau. Sachant qu’au 31/12/05, la FFF recensait 39 510 points de vente, on déduit que plus de 25% des entreprises franchisées recensées fin 2005 ont quitté leur réseau au cours de l’année 2006.
#4 Pourquoi un tel silence selon vous?
Selon moi, la « non publication » des 4 nombres évoqués en préambule est emblématique du manque de transparence qui caractérise l’information des futurs franchisés. Ne pas communiquer sur ces nombres à un double avantage pour les franchiseurs :
- attirer plus de candidats en présentant la création d’entreprise en franchise comme un moyen quasi systématique de réussir sa création d’entreprise,
- donner l’impression au futur franchisé que certaines étapes de l’étude d’un projet de création d’entreprise en franchise, notamment les étapes qui permettent de se prémunir contre les risques de la relation de franchise, sont futiles. Ainsi quand, le cas échéant une situation litigieuse survient, le franchiseur peut beaucoup plus facilement manœuvrer le franchisé qui n’aura pas anticipé ces risques.
Voilà deux observations qui selon moi montre le caractère intentionnel, pour ne pas dire stratégique, du mutisme des franchiseurs sur ces nombres.
Première observation. Des organismes mesurent chaque année le nombre de créations et de disparitions de différentes « formes » d’entreprise. Ainsi :
- l’INSEE publie le nombre d’auto-entreprises et d’entreprises qui se créent et disparaissent,
- la FCA (Fédération du Commerce Associé) publie le nombre de commerçants associés qui entrent et sortent des réseaux de commerce associé.
Si l’INSEE et la FCA communiquent sur ces chiffres, pourquoi la FFF ne le fait-elle pas ?
Deuxième observation. Si ces chiffres étaient publiés, ils nécessiteraient d’être commentés et analysés. Faut-il voir dans le refus de communiquer sur ces chiffres la crainte de certains acteurs de devoir reconnaître des dysfonctionnements dans le monde de la franchise ?
#5 Un conseil pour les futurs franchisés ?
J’aurais deux conseils à donner.
Tout d’abord, admettre (même si la presse renvoie l’image inverse) que la franchise est une jungle où les opportunités existent et où le danger est permanent. Vous viendrait-il à l’idée de partir en expédition dans une jungle sans guide ? Pourquoi le feriez vous en franchise ? Donc se faire accompagner par un spécialiste indépendant est un bon moyen d’éviter les mauvaises surprises.
Ensuite, garder à l’esprit que, face à un même franchiseur, deux franchisés ayant les mêmes difficultés s’en sortiront différemment selon leur aptitude à faire respecter leurs droits et leurs intérêts. Cette aptitude dépendra bien sûr de leur tempérament mais aussi des démarches qu’ils auront entreprises avant de signer leur contrat pour se préserver.