À Paris, il y a le miel produit sur les toits de l'Opéra, les tomates et le thym qui poussent à la cime des Galeries Lafayette, mais depuis peu, c'est un champ pas comme les autres qui s'est installé à Bercy, à deux pas de la salle de spectacles et à l'orée du parc.
Pas de bottes ni de tracteurs à l'horizon pour aller récolter, en plein mois de novembre, ce que Guillaume Fourdinier et de Gonzague Gru, ces deux agriculteurs 3.0, font pousser à l'abri des regards, ou presque. Dans leur container de 12 mètres de long brandé Agricool, sous les barres de lumières LED et dans une atmosphère humide et tempéré, grandissent à leur rythme des fraises.
Agriculture locale, urbaine et bio
Emblème s’il en fallait un des fantaisies consuméristes qui poussent les grossistes à s’approvisionner tout au long de l’année en Espagne ou au Maroc pour abreuver en permanence les étals des supermarchés, la fraise semble ici retrouver ses lettres de noblesse ; même si, la lumière violette dans laquelle elle baigne et les rigoles verticales dans laquelle elle pousse, donnent à ce drôle de champ en boîte des airs de labo d’apprentis sorciers. Et pourtant, les fruits sont savoureux, et le rendement des 3600 fraisiers non négligeable. 7 tonnes par an, si tout va bien.
Air filtré, température maîtrisée, eau savamment distribuée, pollinisation assurée par des bourdons, entre ces quatre mûrs de tôle, tout a été pensé pour offrir à la plante ce dont elle a rigoureusement besoin. Si c’est la lumière artificielle qui fait croître les fruits, c’est parce que le spectre lumineux nécessaire aux fraises est bien précis et qu’il varie selon les plantes. Certains diraient même que la lumière naturelle ne peut pas rivaliser. L’eau et les nutriments circulent en circuit fermé pour alimenter les plants, la seule eau « perdue » étant celle utilisée par la fraise. Sans pesticide, l‘agriculture se veut bio, jusqu’à l’énergie « 100% renouvelable » utilisée, achetée à Enercoop.
Ce container parisien, acheté mi juin par ces deux fils d’agriculteurs passés par les bancs de L’Edhec et de l’IESEG est un prototype. Une vitrine pour leur projet, qui a coûté 80 000 euros à fabriquer, et qu'ils ont entièrement aménagé eux-mêmes. « On s’est demandé comment produire le maximum dans le minimum de mètres carrés, explique Guillaume. Tout le monde a besoin de manger mieux et il nous fallait une solution scalable. Avec un peu de R&D et un agronome, on pourra bientôt produire d’autres containers. »
Bienvenue aux "cooltivateurs" des villes
L’objectif est évidemment que le container fasse des petits. C’est pourquoi Agricool vient de boucler un premier tour de table de « quelques centaines de milliers d’euros » auprès de The Family et Kima Ventures notamment et vise une levée de 5 millions d’euros au mois de janvier. Le but, créer une génération de « cooltivateurs » et développer une brique numérique qui permet de gérer le container à distance (comme en augmenter le PH par exemple) et de faire remonter de la data.
Le but : implanter ces containers partout dans le monde et surtout dans d’autres régions du globe où les problèmes d’approvisionnement sont d’une autre nature que ceux des pays les plus développés. Tomates, salades et légumes en tous genres pourraient alors être cultivés au beau milieu des villes ou des milieux plus hostiles. De quoi donner envie de troquer son blazer pour un sweat à capuche, de cooltivateur bien sûr.
Crédit photo : Agricool