Julien Baudry et ses deux associés, Jeremy Girard et Christian Goga, s’attaquent à un marché bouché par deux leaders incontestés : Red Bull et Monster. Non seulement en France mais également au Royaume-Uni et en Suisse. Leurs boissons, Brio, sont à base de maté, un énergisant naturel. Avec des ingrédients bio et peu nombreux, Brio propose une alternative plus saine et meilleure pour la santé et au goût naturel aux energy drink bien connu. “C’est un peu David contre Goliath”, résume Julien Baudry cofondateur de Brio et en charge de développer le marché français. 

5 ans après la création de la marque, la foodtech est distribuée dans 2500 points de ventes en grandes et moyennes surfaces chez Système U, Intermarché, TotalEnergies… Comment la marque a-t-elle réussi à passer d’une production confidentielle en bouteille en verre à une production de plusieurs milliers de canettes ? Comment réussir à convaincre les acheteurs de la grande distribution ? Julien Baudry livre sa feuille de route.

Maddyness : Comment négocier avec les acteurs de la grande distribution ? Quels sont les cycles commerciaux ? 

Julien Baudry : Ce qui a été clé pour nous c’est que nous avons été accompagnés par un professionnel qui connaissait les attentes des acheteurs : une approche catégorielle. Nous sommes sur un marché en croissance, les energy drink. Le secteur était en hausse de 18% l’année dernière ! C’est déjà un terrain favorable pour les grandes enseignes avec un marché bien valorisé en termes de marges et une demande client. Red Bull, le leader du marché, tire le secteur, c’est vraiment une locomotive qui valorise très bien toute cette catégorie. 

Nous, nous avons une proposition de valeur qui n'existait pas : cette idée de la naturalité. Nous nous inscrivons dans cette catégorie mais en proposant quelque chose de différent, une boisson sereine, sans culpabilité, avec seulement 6 ingrédients. 

Donc d’abord, répondre à cette logique de catégorie. Ensuite, il faut avoir des forces de vente pour accompagner le développement, un plan marketing. Ce qui est difficile aujourd’hui, c’est que c’est un marché qui est de moins en moins directif. Il y a de plus en plus de franchisés et pas de directives au niveau national. À l’inverse, au Royaume-Uni, quand une enseigne décide de diffuser un produit et bien c’est appliqué tout de suite dans tous les magasins. En France, nos commerciaux doivent vraiment faire le tour des points de vente pour vérifier que nous sommes placés dans le bon rayon, c’est-à-dire energy drink et non bio ou rayon thé glacé. 

Il faut montrer une vraie capacité à accompagner les points de vente. Cela peut être un vrai élément de différenciation.

Ensuite il faut être prêt côté logistique. C’est une barrière à l’entrée non négligeable. Il faut livrer les GMS, les grandes et moyennes surfaces, l’enjeu est de la supply chain et de la logistique est clé. Il faut bien rassurer les enseignes sur le fait qu’on est capable d’assurer ce côté là. 

Ce qu'il faut savoir dans les cercles de négociations avec les retailers ou en GMS, c’est que ce sont des cycles annuels. Il faut entamer la discussion à d’août/septembre, envoyer des échantillons, avoir une approche catégorielle, leur dire pourquoi nous choisir… On discute avec ces acteurs, on fait des salons professionnels. La décision est prise en septembre et, si tout va bien, la mise en rayon démarre en mars, avril, mai. Nous sommes déjà en train de penser 2025. 

Comment faire pour respecter le cadre réglementaire de la production à l’embouteillage ? 

Pour nous aujourd’hui, ce n’est pas un frein. Il y a des normes et nous les respectons évidemment. Nous faisons embouteiller nos canettes chez un partenaire qui engage donc sa responsabilité. Tous les produits sont testés à chaque embouteillage. Finalement, c’est une obligation et nous l’avons tout à fait intégré dans nos process. 

Nous n’aurions pas pu avancer et grandir aussi vite que nous le faisons avec notre propre usine. Ce sont des compétences différentes et difficiles à obtenir car très demandées. Cela suppose également un besoin en capital beaucoup plus important. 

L’avantage de travailler avec des prestataires, c’est que nous pouvons suivre la demande de nos clients. Si un client nous fait une commande pour 700 magasins, nous pouvons suivre et fournir facilement parce que c’est la spécialité et le travail quotidien de notre prestataire. Moi, cela me permet de mieux dormir la nuit ! 

Côté recette : nous avons 6 ingrédients seulement dans nos boissons. Par exemple, notre Brio au gingembre, c’est de l’eau, du gingembre, du sucre, du citron et évidemment du maté. Tout est pasteurisé et je ne suis pas inquiet car aucun de mes ingrédients ne pose problème. Nous sommes bio donc nous faisons un audit tous les ans. 

Quelles sont les étapes clés pour parvenir à la recette parfaite ? 

Nous faisons un vrai travail sur l’infusion car on peut infuser de plusieurs manières : rapidement à chaud, plus lentement à froid, avec plus ou moins de feuilles etc. Nous avons travaillé avec des chefs pour déterminer la bonne recette, accessible en goût, équilibrée et surtout qu’on peut reproduire à l’échelle. Il faut vraiment trouver un bon équilibre, si j’ai une recette avec trop de maté, mes coûts de production vont être exorbitants, hors-marché, je serais incapable de vendre ma canette 3 euros. À l’inverse, si j’ai une recette tropicale avec trop de fruit de la passion bio, mon fournisseur peut me dire qu’il n’y a pas assez de production, pas les quantités nécessaires et moi, je ne pourrais pas fournir mes clients. 

Notre proposition principale c’est une boisson énergisante avec le maté. Ensuite l’idée est d’avoir une boisson naturelle donc on on s’interdit certains ingrédients comme l'aspartame. Dans nos recettes, nous n'ajoutons pas d’édulcorant, on met toujours du vrai sucre mais on choisit de limiter le plus possible. Nous sommes en train de développer une nouvelle saveur avec du vrai fruit, c’est quand même meilleur et cela apporte aussi de la texture. 

Bouteilles, canettes, quelles différences dans la gestion du business ? 

Il faut commencer avec une bouteille en verre car la quantité minimum de production est bien moindre par rapport aux canettes. Il faut déjà avoir de beaux volumes pour se diriger vers un contenant canette qui mobilise plus de fond de roulement. 

Une fois qu’on avait le design, les bons partenaires, la recette… Il faut mettre le produit sur le marché. J’ai appelé des grands groupes en leur disant que je voulais 10 000 bouteilles et ils m’ont répondu que c’était une commande beaucoup trop petite. De fil en aiguille, nous avons trouvé le bon partenaire et on a grandi avec l’ensemble de nos partenaires. Nous avons pu passer naturellement de la bouteille à la canette et c’est vrai que la majorité des energy drink sont conditionnés en canettes. Pour le transport, c’est mieux car les palettes peuvent contenir beaucoup de canettes, c’est moins lourd et donc cela coûte moins cher. 

Maintenant que vous êtes distribués dans des grandes et moyennes surfaces dans toute la France, comment garantir un bon rythme de production et de livraison ? 

Ce n’est plus un enjeu car les usines avec lesquelles nous travaillons peuvent produire énormément. Au moment de sélectionner ces partenaires de production, on les appelle toutes, on demande des devis et on recherche surtout un équilibre entre ce qu’on appelle la “M option”, la quantité minimum de production avec laquelle ils acceptent de travailler avec nous, le prix évidemment et s’ils peuvent faire nos recettes car, comme nous utilisons des produits naturels, toutes les usines ne peuvent pas nous produire. 

Aujourd’hui, avec les volumes de Brio, je peux accéder à des embouteilleurs plus gros avec des économies d’échelle plus importantes, mais au départ, on cherche quelqu’un de flexible, qui peut monter en puissance. 

Ensuite, nous, on suit notre production comme le lait sur le feu. Car si on fait trop de stocks avec une DLC, une date limite de consommation trop longue, on aura du stock qu’on ne pourra plus écouler. Les grandes surfaces demandent une date limite de consommation minimale de deux tiers de la durée de vie du produit. Par exemple, si mon produit a une durée de vie de 2 ans, j’ai 8 mois pour écouler mon stock.