« Faut-il le rappeler ? Le tout premier poste de dépenses de l’entreprise, ce sont ses collaborateurs. » Vincent Hagenbourger a choisi de réunir deux métiers en un : il est à la fois CFO et DRH. Et s’il a opté pour cette double casquette, c’est précisément parce qu’il est convaincu que les métiers des ressources humaines - dont il est issu - doivent s’emparer des aspects financiers. « On a généralement tendance à dissocier RH et finance, alors que ces deux sphères sont interdépendantes. Une entreprise, ça se gère avec des chiffres et des métriques. »

Et l’on sait combien il est difficile de mettre un chiffre exact sur la masse salariale globale. On a bien sûr une donnée comptable, mais cette dernière ne mesure pas tout ! Du point de vue de la paix sociale et de la marque employeur, les chiffres sont essentiels également : les échanges sont toujours plus clairs et plus sereins, si l’on part d’un socle d’informations factuelles plutôt que d’un ressenti.

On décide des règles avant de recruter, pas après

Votre startup croît rapidement, voire très rapidement après une levée de fonds ? Épargnez-vous une course effrénée : anticipez. « J’ai accompagné une entreprise qui a réalisé une centaine de recrutements en deux ou trois ans, reprend Vincent Hagenbourger. C’est rapide. Le risque, c’est de ne pas anticiper, de gérer au jour le jour, de se dire “On structurera quand on en aura besoin, quand on sera trente, ou cinquante… ” On pense que le tout premier problème, c’est d’identifier les bonnes compétences, les bonnes personnes. »

Mais en réalité, estime le consultant, le tout premier problème est d’être bien « carré » sur ce qu’on leur propose, pour les embarquer correctement et ne pas s’exposer par la suite à de vraies incompréhensions, voire à des litiges.

Concrètement, il faut définir le rôle de chacun, la façon dont on organise les équipes, celle dont on gère le temps de travail : horaires, RTT, etc. « C’est très important de le faire en amont, car si vous en décidez une fois que vous avez recruté 40 ou 50 personnes, vous passerez beaucoup de temps à expliquer pourquoi ça change… et vous ferez forcément des déçus. Dans une startup qui par définition évolue en permanence, changer en plus les règles du travail peut être très impopulaire. Alors que vous pouvez gagner 10 fois le temps que vous aurez  consacré au départ à penser votre stratégie RH. »

Il s’agit de dé-risquer les pratiques. Au départ, souvent tout va bien : la startup grandit, tout le monde travaille beaucoup et dans l’enthousiasme. Mais très vite des frictions peuvent arriver. Les résultats ne sont pas au rendez-vous, le marché évolue, la concurrence prend de la place… et « on peut se retrouver avec une entreprise à risque : sujette aux ruptures qui se passent mal. Des salariés qui ont “cravaché” et prennent très mal qu’on leur dise que c’est terminé, vont se renseigner sur leurs droits et revenir sur tout ce que l’employeur n’a pas ou mal géré les années précédentes. Cela peut faire boule de neige et dégrader très vite la marque-employeur. »

Chiffre d’affaires, résultat, salaires… Un minimum de culture financière pour tous

A l’époque où l’on entend beaucoup parler de partage de la valeur, poussé par la réglementation, mais aussi de transparence des salaires, la question de la rémunération reste pourtant confuse dans de nombreuses startups en croissance.

« Il est essentiel d’aborder le sujet des salaires et des avantages complémentaires le plus tôt possible là encore, insiste Vincent Hagenbourger. Les salariés doivent savoir à quoi s’attendre et pouvoir se projeter dans deux, cinq ou dix ans. Le but n'est pas de tout mettre en place dès le début bien entendu, mais plus d'expliquer ce qu'on souhaite faire si les résultats de l'entreprise le permettent. Si vous décidez de partager les fruits de l’entreprise : commencez par expliquer clairement à vos équipes de quoi il s’agit. Ne présumez de rien. Ne croyez pas que tout le monde dispose d’une culture financière. “Balancer” des chiffres est presque contre-productif si vous ne les expliquez pas et si vous ne transmettez pas les principaux résultats de l’entreprise en toute transparence (chiffre d’affaires, résultat d'exploitation, résultat net par exemple)... ce que font très peu de décideurs ! » 

Vincent Hagenbourger a même consacré un article à ce sujet, pour Finpal, une communauté Qonto : Finpal - Comment bien communiquer ses chiffres en interne

Il faut savoir expliquer pourquoi il existe des indicateurs-clés et comment ces derniers sont liés aux résultats comptables et financiers de l'entreprise. « L’objectif est de savoir traduire les métriques financières en objectifs opérationnels. Un exemple : pour être à l'équilibre, il va falloir réaliser x ventes avec un panier moyen de x euros… Le CA couvrira ainsi les charges de l’entreprise. Soyez pédagogues. Le management, ça s’apprend. Et ça passe aussi par ce type de réflexion. »

A ce sujet, Vincent Hagenbourger conseille de bien réfléchir à la façon dont on ajoute des strates de middle management pendant la croissance. Les managers doivent être formés avec des objectifs et des sphères de responsabilités définies, pour que l'on comprenne comment ces nouveaux rôles vont s'intégrer à l'organisation de l'entreprise. « Il ne faut pas nommer une personne manager juste pour la récompenser. Le vrai risque, c'est de dire que les plus anciens passent managers car ils sont là depuis longtemps. On a souvent peur de recruter quelqu'un qui les manage et de les voir alors partir, mais il ne faut pas prendre de décision guidée par la peur. »

Ne nommez pas un manager non plus pour alléger votre propre charge ! « Choisir un manager, c’est déléguer vraiment la compétence et donc la capacité de prendre une décision. Si c’est pour qu’il vous représente et qu’il prenne les coups à votre place, ça s’appelle simplement un manque de courage. »

Choisir ses combats

Enfin, à l’heure où la tech bourdonne d’initiatives comme la semaine de 4 jours, l’holacratie ou le télétravail à 100%, le tout nouveau dirigeant peut être tenté de s’engager dans ces expérimentations, Vincent Hagenbourger conseille de « prendre le temps d’être progressiste ». « Il faut différencier un progressisme de façade d’un environnement sain, qui doit être la priorité absolue. Avant de vouloir innover, consolidez vos fondations, sinon n’importe quelle expérimentation n’ira pas bien loin. Vos équipes ont besoin d’une chose : le respect. Cela veut dire appliquer les fondamentaux légaux, même si vous ne les trouvez pas sexy. Et être clair sur les valeurs et l'objectif de l’entreprise. »

Dans le même ordre d’idées, notre DAF et DRH rappelle que la fonction paie, rarement perçue comme sexy, peut être un vrai levier d’engagement des collaborateurs. C’est le cas lorsqu’elle est incarnée par un ou une responsable de la paie, qui soit disponible et à l’écoute des collaborateurs. « Un collègue chargé de la paie, qui vous rend service, qui vous explique comment ça se passe pour les impôts, qui sait clarifier et humaniser les process d'administration du personnel, c’est un vrai plus. Un chatbot ne pourra pas rivaliser. »

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