Ces dernières années, lancer sa startup est devenu tendance en France à la faveur de la volonté politique mise en œuvre pour constituer un écosystème tech solide sous la bannière de la French Tech. Si de belles réussites sont à signaler, comme BlaBlaCar, Lydia, Back Market, Alan, Swile ou encore Mirakl, le succès est loin d’être monnaie courante dans le monde des startups. Et pour cause, près de 90 % des jeunes pousses ne dépassent pas le cap des 18 mois de survie.

Mauvais timing, mauvaise approche, mauvaise équipe, mauvais modèle économique… Les raisons expliquant ces échecs sont multiples. Mais bien souvent, ce sont les mêmes qui reviennent régulièrement. Kim Hvidkjaer, un entrepreneur danois, a vécu ces montagnes de l’entrepreneuriat. Devenu millionaire à 29 ans, il s’est retrouvé au bord du gouffre deux ans plus tard.

Depuis, l’entrepreneur scandinave s’est reconstruit une belle fortune grâce à plusieurs startups qui ont connu le succès. Mais il a pris le temps d’analyser ses erreurs et celles de l’ensemble de l’écosystème pour en faire un ouvrage : «How To F*ck Up Your Startup». Celui-ci est devenu un «best-seller» en proposant aux lecteurs «la science expliquant pourquoi 90 % des entreprises se plantent et comment l’éviter». Invité à la conférence The Next Web à Amsterdam, Kim Hvidkjaer a fait le show et distillé plusieurs conseils aux entrepreneurs. Maddyness en a retenu trois.

Avoir une équipe fondatrice qui n’est pas basée que sur l’amitié

Quand il s’agit d’évoquer la genèse d’une startups, que ce soit en France ou en Californie, le schéma est toujours plus ou moins le même : des amis qui se sont rencontrés sur les bancs de l’université ou de l’école de commerce décident de s’associer pour monter un projet entrepreneurial. Séduisante sur le papier, l’idée peut parfois tourner au vinaigre et déboucher sur des amitiés complètement brisées.

Pas besoin de chercher très loin pour trouver un exemple édifiant : Facebook. Créé par des étudiants de Harvard, le réseau social a été créé par Mark Zuckerberg, qui a repris le concept de base d’un site des frères Winklevoss, des camarades, visant à connecter les étudiants entre eux. Cela s’était soldé par une séquence judiciaire et un dédommagement de 65 millions de dollars leur a été accordé. Des histoires comme celles-ci, il y en a plein dans la «Startup Nation».

Mais au-delà des conséquences néfastes à moyen terme d’une alliance entre amis, camarades ou membres d’une famille, en raison de divergences de vision ou de coups bas, il est essentiel d’avoir des fondateurs qui soient complémentaires entre eux. «C’est important d’avoir une équipe fondatrice qui couvre toutes les compétences requises pour réussir, et pas juste une équipe d’amis», résume Kim Hvidkjaer. Un co-fondateur avec une bonne expertise technique et un autre avec une bonne maîtrise du marketing et de la communication par exemple, cela peut constituer un duo complémentaire qui a un réel intérêt pour la construction de l’entreprise.

Adresser une vraie problématique plutôt que «d’éduquer le marché»

Tenter de résoudre une vrai problème qui impacte de nombreuses personnes, c’est souvent ce qui anime les entrepreneurs. Mais ce qui peut sembler une évidence pour certains ne l’est pas toujours pour d’autres. Ainsi, des entrepreneurs en herbe créent une startup pour proposer une solution qui ne répond… à aucune problématique réelle. Et avec l’argent qui a coulé à flots dans le capital-risque mondial ces dernières années, nombreuses sont les startups qui ont vu le jour et qui n’ont pas une grande utilité, voire aucune. «Si vous n’adressez pas un vrai problème, vous êtes assuré de vous planter», résume

Difficile évidemment de ne pas penser aux acteurs qui ont placé beaucoup d’espoirs sur le métavers (coucou Meta et ses milliards de dollars partis en fumée pour un résultat frôlant la médiocrité), mais ils ne sont pas les seuls. Parmi les exemples les plus emblématiques, on peut également citer celui de Juicero, qui est passée en un clin d’œil de startup branchée à énorme risée de la Silicon Valley. Pourquoi ? Tout simplement parce que la machine, qui devait permettre à l’entreprise de devenir le «Nespresso» du jus de fruits et légumes frais, était tout simplement… inutile !

En effet, une vidéo réalisée par Bloomberg avait révélé qu’il suffisait de presser les recharges de Juicero à la main pour avoir un résultat identique à celui de la machine… mais en évitant de débourser les 400 dollars nécessaires pour se l’offrir. Résultat : l’entreprise a coulé et les rires ont fusé. Sauf peut-être pour les investisseurs, dont GV (ex-Google Ventures) et Kleiner Perkins, qui avaient injecté près de 120 millions de dollars dans la société. «Pourtant, cette statup avait été lancée par des gens expérimentés», note Kim Hvidkjaer. Comme quoi, l’habit de fait pas le moine…

Le constat est relativement similaire pour Teforia, qui proposait une machine à thé connectée vendue 1 000 dollars. «Les fondateurs disaient avoir besoin de plus d’argent et de temps pour éduquer le marché. Mais ils ne se sont jamais dit qu’il n’y avait tout simplement pas de marché», tacle avec ironie l’auteur de «How To F*ck Up Your Startup».

Ne surtout pas faire des «mashups» (séduisants sur le papier)

Quand des tendances ont le vent le poupe, il est peut être tentant de les mélanger pour surfer sur la vague du moment. Mais il s’agit souvent d’une fausse bonne idée… L’échec du Coca-Cola Blak, rencontre entre la célèbre boisson américaine et le café en 2006, en est d’ailleurs la parfaite illustration. Dans la sphère technologique, des projets mixant métavers et cryptomonnaies ont rapidement déchanté face au mangue d’engouement pour ce monde virtuel défendu par Mark Zuckerberg et aux nombreux scandales, comme celui qui a conduit à la chute de FTX.

Malgré ces exemples, les «mashups» ne devraient pas pour autant disparaître, alors que la révolution de l’IA générative tourne à l’obsession pour de nombreux entrepreneurs qui veulent à tout prix en tirer profit pour sublimer leur stratégie marketing. «J’adore l’IA, mais tous les produits ne sont pas faits pour embarquer de l’IA», observe Kim Hvidkjaer, qui estime que «les mashups fonctionnent beaucoup mieux pour les pitchs devant les investisseurs que pour de véritables produits». Une remarque simple mais malheureusement assez peu prise en compte par certains que se croient plus malins que le marché.

Mais à l’heure où l’IA est au centre des spéculations (il suffit de jeter un œil aux spéculations délirantes du secteur pour s’en rendre compte), quelques entrepreneurs seraient bien inspirés d’appliquer ce conseil, sous peine d’exploser en plein vol quand la bulle éclatera.

A méditer…