En ce début d’année 2024, la tendance est au soutien des entreprises. À titre d’exemple, à l’échelle européenne, le programme Horizon Europe représente 100 milliards d’euros, et au niveau national, le programme France 2030 est doté de 54 milliards d’euros.

Et, en France, la Loi de Finances pour 2024 a introduit des changements significatifs dans le soutien aux jeunes entreprises innovantes (JEI). Ces changements comprennent la création de nouvelles catégories, dont la "jeune entreprise de croissance" (JEC), qui bénéficie d'un seuil minimum de dépenses de R&D abaissé par rapport aux JEI.

Mais, pour tirer profit de ce contexte favorable, encore faut-il déployer une stratégie de financement complète. Alors voici nos conseils pour vous aider à la mettre en place.

Les do’s à suivre

Anticiper vos besoins en financement : Au moment de la création de votre projet, vous pouvez déjà anticiper vos besoins en financement pour les deux ou trois prochaines années. Vous devez ensuite identifier les sources potentielles de financement, bâtir une stratégie solide et vous fixer des objectifs précis.

Mettez en place des KPI’s précis :
Justifiez toutes vos hypothèses dans la présentation de votre Business Plan, associé à votre projet. Et si vous n’obtenez pas le financement souhaité, alors essayez d’envisager autrement votre stratégie de financement. Explorez toutes les options qui s’offrent à vous.

Choisissez votre DAF avec soin : La stratégie fiscale des entreprises est toujours sous-estimée, ce qui génère des risques à la fois pour les entrepreneurs et pour les investisseurs. C’est pourquoi un Directeur Administratif et Financier qui connaît bien le monde de l’innovation vous aidera à rassurer vos interlocuteurs, appuyer vos choix et sélectionner les dispositifs.

Être très ouvert et à l’écoute des financeurs : Que le financement soit ou non obtenu, il est important de toujours être à l’écoute de vos interlocuteurs qui vous apporteront des pistes d’améliorations en phase avec votre projet. L'argent n’est pas la seule retombée positive d’une bonne stratégie de financement.

Les don’ts

Être trop confiant : Privilégiez le réalisme à l’excès d’optimisme, c’est encore le meilleur moyen de développer votre dossier de candidature. L’important est d’avoir une posture humble et constructive face aux financeurs.

Dénaturer son projet : Les appels à projets sont restrictifs, mais ce n’est pas une raison pour dénaturer votre projet afin de le faire rentrer dans les cases. Restez fidèle à votre proposition de valeur, c’est une stratégie qui sera toujours gagnante sur le long terme.

Privilégier l’opacité à la transparence : Pour obtenir un financement, il faut être très clair et transparent sur l’utilisation que vous allez faire de ces fonds. Et n’oubliez pas qu’un financeur investit toujours sur demain, et non sur hier. Il faut donc lui proposer une solution d’avenir, et pas un produit ou service qu’il peut déjà trouver sur le marché.

Ne pas anticiper les délais de versement : Décrocher un financement (CIR, appel à projets, prêts bancaires…) est une bonne nouvelle, mais cela ne signifie pas que les fonds seront immédiatement décaissés. Comptez parfois jusqu’à neuf mois pour empocher vos gains. Utile à avoir en tête pour adapter votre stratégie en conséquence.

Business plan, anticipation et endurance

Pour construire une stratégie solide, vous devez d’abord établir un plan financier détaillé, incluant des prévisions de revenus et de dépenses sur au moins deux ans. Pierre Lebeau, cofondateur et CEO d’Exceenis raconte : « Les fonds acceptent de financer à peine 1 % des entreprises qu’ils rencontrent. Donc, en tant que startup, il faut aller voir 100 personnes avant de trouver un investisseur qui accepte de vous financer. Ces démarches demandent beaucoup de discipline, de courage et de persévérance. Mais, attention, il ne faut pas chercher à faire rêver les financiers, car ils sont très pragmatiques. Il faut plutôt les rassurer et leur montrer un projet crédible. »

Comme l’écosystème du financement de l’innovation est particulièrement complexe, il est aussi nécessaire de diversifier ses sources de financement. Différentes options comme les incitations fiscales, le financement participatif, les prêts bancaires et les investisseurs en capital-risque s’offrent à vous. Et chaque option a ses spécificités. « Bien-sûr, l’autofinancement est le graal, mais avant d’y arriver, il faut mettre en place une stratégie de financement, précise Laurent Duvic, Directeur Associé du cabinet de conseil en innovation Dynergie. Le premier réflexe est souvent de se tourner vers les banques, mais avant de vous reposer sur le financement bancaire, vous devez chercher du côté des nombreux financements publics, qu’ils soient à l’échelle locale, régionale, nationale ou européenne. » Ces dispositifs vous aideront dans toutes vos phases de développement, et vous permettront potentiellement d’entamer une levée de fonds en série A ou B.

« L’une des principales erreurs faites par les entrepreneurs dans leur ingénierie financière, c’est de sous-estimer leurs besoins de financement, Bien souvent, cela coûte plus cher qu’on ne le pense de développer un projet innovant », explique Sophie Magné, Responsable du Marché des Entreprises Innovantes de Banque Populaire Rives de Paris, qui rappelle aussi la question de la temporalité. « Il ne faut donc pas surestimer la temporalité d’obtention des ressources. Les entrepreneurs pensent lever des fonds en 3 mois ou obtenir un prêt bancaire avec décaissement en 15 jours, ce qui est proprement irréaliste. »

L’effet de levier et le (bon) timing

Dans toute stratégie de financement, les effets de leviers sont vitaux. Ne pas en profiter est une erreur qui peut coûter cher aux entreprises. Laurent Duvic détaille : « Il est important de réaliser l’effet de levier bancaire dans les six mois de la levée de fonds en equity. Prenez en considération qu’il faut en général entre 2 et 3 mois pour obtenir un accord bancaire depuis les premiers échanges avec vos partenaires. » Parce que le financement ne s’obtient jamais en claquant des doigts, il faut anticiper au maximum ses besoins.

Mais l’effet de levier bancaire n’est pas automatique et doit se justifier dans sa stratégie. Or, comme le rappelle Sophie Magné : « La dette, c’est comme les antibiotiques, ce n’est pas automatique ! Ce n’est pas parce que vous avez levé deux millions d’euros en equity que vous pouvez demander deux millions d’euros de dette à votre banquier. » La demande de dette doit correspondre à un besoin clairement identifié en amont. Et vous devez exprimer ce besoin à votre partenaire bancaire.

Bien sûr, l’autofinancement est la voie royale pour tous les entrepreneurs. Mais il suppose une patience accrue. « Nous avons beaucoup appris de notre expérience avec Keecker et maintenant nous limitons nos financements externes pour nous concentrer sur une activité pérenne dès le lancement du projet, témoigne Pierre Lebeau. Donc, pour Exceenis, j’ai pris la décision de m'autofinancer au maximum grâce à une activité B2B liée au service. Et, une fois que nous générons suffisamment de cash, nous investissons dans un projet de R&D pour booster notre croissance à long terme. »

Toutes les stratégies de financement sont spécifiques. C’est pourquoi la présentation claire et détaillée de votre projet est indispensable pour convaincre les investisseurs. Finalement Pierre Lebeau résume : « Vos principales qualités sont d’être réaliste, frugal et endurant. Et vos défauts sont d’en vouloir trop, trop vite et d’être trop optimiste. »

Vous avez maintenant toutes les cartes en main pour construire une (bonne) stratégie de financement !