C'est au tour de Stéphane Rios de se livrer à l'exercice des vision d'entrepreneurs. Un entrepreneur averti, ancien CTO de RueDuCommerce.com et aujourd'hui fondateur de Fasterize - une startup qui veut fluidifier le chargement des sites internet - qui nous livrent de très bons conseils : 

#1 Tout d’abord on va te demander de te présenter…

Stéphane RIOS, j'ai 40 ans et je me présente souvent comme un dinosaure de l'Internet car j'ai écrit ma première page HTML en 1994 ! Après avoir passé 10 ans chez RueDuCommerce.com comme CTO (et avoir quasiment tout touché du sol au plafond), j'ai quitté la société en 2010. J'ai d'abord fondé une société de conseil (Agilitik) puis Fasterize en 2011, parce que j'en avais assez d'attendre devant des sites "qui rament".

#2 Entrons dans le cœur du sujet : peut-on parler à ton sens d’une “nouvelle économie” ?

Nouvelle pour qui ?

Pour ceux qui comme moi baignent dedans depuis plus de 15 ans, non, ce n'est pas une nouvelle économie.

Pour les jeunes qui arrivent sur le marché de l'emploi depuis quelques années, non, ce n'est pas non plus une nouvelle économie. Ils ont eu le temps d'en apprendre les codes pendant leurs études.

Pour les jeunes qui sont encore à l'école ? Eux vivent, respirent Google, Facebook, Twitter, eBay, eCommerce, publicité, géolocalisation, etc, et tout ça quasi en permanence, le smartphone greffé à leurs dix doigts.

Par contre, ils sont au cœur de plusieurs courants qui forment ce que j'appellerais vraiment une nouvelle économie :

  • le commerce d'objets virtuels (jeux vidéos ou les réseaux sociaux, voir le succès insolent de Zynga)
  • une économie basée sur la location plutôt que l'achat,
  • la notion de "on-demand", d'immédiateté, apportée par l'internet et la mobilité (ce n'est pas un hasard si la consommation de TV "traditionnelle" chez les ados est en baisse)
  • et enfin la progressive disparition des anciennes barrières de la sphère privée.

Dans tous les cas, cela restera tout de même une nouvelle économie pour nombre de personnes incapables de comprendre les bouleversements induits par ces nouveaux outils et ces nouveaux comportements : les acteurs de la distribution incapables de mixer click and mortar, voire qui ne savent toujours pas comment appréhender le ecommerce, les ayant droit de toute sorte courant en pure perte après leurs revenus d'antan et surtout les anciennes façons de générer ces revenus, les responsables politiques incapables d'intégrer toutes ces transformations dans des projets de société et luttant avec des lois stupides contre le sens du progrès. Oui pour eux, cela restera une nouvelle économie pour longtemps !

#3 Quels sont les enjeux qu’elle représente pour ce qu’on pourrait nommer “l’économie traditionnelle” ?

J'en vois plusieurs.

D'abord, le passage du physique au virtuel a été difficilement vécu pour beaucoup d'acteurs, la musique d'abord, la vidéo ensuite (qui voit encore des boutiques de location de DVD ?). Le schéma se répète encore pour le livre numérique avec des acteurs qui n'ont toujours rien compris au numérique ... et qui finiront pas se faire manger par de gros acteurs US faute d'avoir une stratégie agressive pour embrasser ce marché (notamment avec des formats ouverts et des prix en rapport avec le format numérique et ses modes de consommation).

Ce passage du physique au virtuel est valable pour les grandes entreprises : il y a un enjeu énorme au niveau de la dématérialisation. Quand je vois que je dois encore remplir un formulaire papier pour ajouter un bénéficiaire de virement dans ma banque, j'ai peur ! Cela vaut aussi pour les institutions gouvernementales même si elles ne sont pas concernées par une "économie" à proprement parler.

Ensuite, les entreprises devront intégrer la transformation de valeur du produit vers le service. Les startups d'aujourd'hui l'ont bien compris, nombreuses sont celles qui offrent un service via abonnement mais il est intéressant de voir par exemple les constructeurs automobiles s'engouffrer aussi dans cette voie : on voit de plus en plus de publicité de voitures parlant de location et/ou de services associés.

Enfin, les entreprises devront se transformer pour s'ouvrir complètement au monde extérieur, les limites de l'entreprise vont éclater : elles vont devoir par exemple travailler de manière plus fusionnelle avec leurs partenaires et leurs clients (cf. réseaux sociaux et autres community manager) mais aussi changer leur manière de fonctionner avec leurs employés (télétravail, open source, BYOD).

#4 De quelle manière tentes-tu d’y répondre aux travers de tes projets ?

Lorsque j'ai fait du conseil, j'ai essayé dans la mesure du possible de faire passer ce discours de transformation. Autant dire que dans la majorité des cas, c'est beaucoup de temps perdu pour rien. Et j'ai horreur de perdre du temps.

Alors à mon niveau, quand j'ai créé  Fasterize, je me suis dit que je devais rentrer dans ce qui était pour moi la nouvelle économie : en interne par exemple, je tente des nouveaux modèles de management (transparence totale, pas de système pyramidal, pas de cloisonnement). Nous sommes aussi à fond dans l'agilité, pour le développement bien sûr, mais aussi pour l'IT en général (devops) et même pour toute l'entreprise (lean startup).

Pour ce qui est de ce que nous apportons au travers de Fasterize, je crois que nous construisons une solution au coeur de cette nouvelle économie.

Les internautes sont dans l'immédiateté et ne veulent plus attendre ? Nous faisons en sorte que les sites se chargent plus rapidement.

Tout le monde veut surfer sur son mobile ou sa tablette comme sur son desktop ? Nous adaptons notre produit pour les plateformes mobiles.

Les directions techniques ne veulent pas s'encombrer d'un énième boitier ou logiciel à maintenir ? Nous sommes une solution SaaS, avec un abonnement mensuel, sans investissement, sans coût de maintenance, sans coût d'intégration.

#5 Comment vois-tu l’avenir de cette branche ?

Pour moi cela va tourner autour des concepts d'ubiquité des données, de mobilité, de géolocalisation et de réalité augmentée et plus tard de robotique.

Nous allons vivre une époque où la puissance des smartphones/tablettes, le débit des réseaux feront que nous ne posséderons plus de bibliothèques numériques en propre, nos données seront streamées à la demande (et donc on n'aura plus à a se soucier de choisir entre un ipad 16ou 32Go ;-)).

En plus ces appareils mobiles seront le vecteur de données géolocalisées de toute sorte venant se superposer à notre monde réel, au moins dans deux domaines : le jeu vidéo et la publicité.

Il n'y aura plus qu'à parler à des machines et là, définitivement, je ne ferai plus partie de la "nouvelle économie" 🙂

#6 Un conseil pour les nouveaux entrepreneurs ?

Si vous êtes en couple, faites très attention. Faites bien comprendre à votre moitié les implications que va avoir cet énorme changement dans votre vie à tous les deux.

Ne transigez pas sur la qualité, quand on débute, on a l'occasion de construire quelque chose de zéro, profitez-en.

Et puis un que j'affectionne particulièrement (mais je crois que si l'on décide d'être entrepreneur c'est inhérent) : JFDI. Just Fucking Do It.

#7 A surtout éviter ?

Au risque de ne pas être raccord avec le courant général, repoussez le plus tard possible l'intervention des VCs et autres business angels.

Avoir trop d'argent fait prendre de mauvaises décisions, faire intervenir d'autres personnes au capital vous fait perdre rapidement vos propres objectifs.

Et n'oubliez pas vos clients, ce sont eux qui vous apportent le meilleur financement.